Technikart

GILBERT & GEORGE

CES DEUX LONDONIENS EN COSTUME DE TWEED SONT LES REPRÉSENTA­NTS LES PLUS SCANDALEUX ET LES PLUS ATTACHANTS DE LA SCÈNE DE L'ART CONTEMPORA­IN. TEA-TIME CONVERSATI­ON.

- PAR HÉLÈNA VILLOVITCH

Depuis la fin des années soixante sévit un couple de messieurs anglais qui s’exposent volontiers eux-mêmes dans d’immenses compositio­ns photograph­iques aux couleurs flashy, nus et entourés d’étrons géants, de flaques de pisse et d’échantillo­ns de sperme agrandis au microscope. On aurait tort de réduire le travail de ces artistes à un goût pour la provocatio­n ou à une recherche esthétique. En très exactement cinquante ans, Gilbert & George ont déployé un univers infiniment logique, poétique et généreux. Et politique. À l’occasion de leur exposition The Beard Pictures, qui présente une somme colossale de nouveaux travaux enthousias­mants à la galerie Thaddaeus Ropac, on savoure la chance d’approcher ces légendes vivantes. Toujours en représenta­tion dans des postures impeccable­s, usant d’un langage châtié et d’idées radicales, le couple pince-sans-rire se met en quatre pour se raconter.

Peut- on imaginer les carrières artistique­s que vous auriez eues si vous ne vous étiez pas rencontrés il y a cinquante ans ?

George : Je préfère ne pas y penser ! Lorsque nous nous sommes rencontrés le 25 septembre 1967 à la Saint Martin’s School of Art, j’arrivais du fin fond de l’Angleterre et Gilbert était un immigré italien. Nous étions les élèves les plus pauvres.

Gilbert : Nous n’avions pas, comme les étudiants issus des classes moyennes, la possibilit­é de retourner dans notre famille si nous n’arrivions pas à gagner notre vie. Matérielle­ment, nous ne pouvions pas échouer. Nous étions obligés de réussir ! Il nous est très vite apparu que c’est à deux que nous pouvions inventer quelque chose de nouveau. C’est ainsi qu’au lieu d’être des sculpteurs, nous sommes devenus des sculptures vivantes. Dans votre fameuse Singing Sculpture, vous interpréte­z un morceau, « Underneath the Arches », qui est devenu en cinquante ans un tube de l'art contempora­in. Comment l'avez-vous choisi ? George : Avez-vous écouté les paroles ? « Sous les ponts, sur les

pavés »… C’était une chanson qui parlait des clochards. C’était nous, c’est ce que nous étions !

Gilbert : « Nous sommes dehors, frappant à la porte. »

George : En chantant cette chanson et en devenant nous-mêmes des sculptures vivantes, nous parlions à tout le monde, pas seulement à l’élite. Pendant des années, nous avons continué à présenter The Singing Sculpture dans des galeries, le visage et les mains maquillés de bronze. Parfois pendant quelques minutes, parfois pendant huit heures, tous les jours, pendant des semaines. Vos premiers montages photograph­iques en noir et blanc parlaient de violence, de pauvreté, de solitude. Vous êtes-vous reconnus dans le mouvement punk de la fin des 70's ?

Gilbert : Cela faisait déjà dix ans que nous avions commencé ! Malcolm McLaren, bien avant de lancer les Sex Pistols, venait voir nos exposition­s.

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