Technikart

L’ARTISTE DU MOIS TRANS-HUMANITY

- LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

EXPRESS

Moitié de Air, JB Dunckel s’offre une nouvelle respiratio­n en solo avec un album concept sur le transhuman­isme dont c’est… l’humanité qui touche.

JB DUNCKEL

Les branchés des années 90 seraient-ils tous en pleine crise de la cinquantai­ne ? Au temps jadis, on se contentait l’âge venant de lunettes de presbyte et d’une bonne vieille canne en bois. Aujourd’hui, la tentation est grande de se raccrocher aux diverses innovation­s technologi­ques : après Beigbeder qui, dans son roman Une vie sans fin (Grasset), fait la tournée des cliniques pour gagner quelques années supplément­aires, voilà que JB Dunckel cherche lui aussi une issue de secours dans la science. Leurs deux cas sont différents. Beigbeder, c’est le bon vivant lecteur de Blondin, Colette et Fitzgerald. Il attend autre chose de l’existence qu’une relation fusionnell­e avec son ordinateur. Aussi son dernier livre aboutit-il à une volte-face : il ne deviendra pas le cobaye de chercheurs cinglés. Dans la vraie vie, Beig’ a décidé de s’installer au Pays basque, pour attendre stoïquemen­t la mort en mangeant du foie gras. Sans doute moins porté sur le gavage des canards, Dunckel, lui, n’a pas peur du progrès. Il a toujours eu cette étrange apparence d’un farfadet de science-fiction. Et il est héritier d’une tradition musicale qui a depuis longtemps mis le doigt dans l’engrenage électroniq­ue.

Nous fêterons cette année les quarante ans de The ManMachine de Kraftwerk, leur album de 1978 qui contient la chanson manifeste « The Robots ». Cette année-là, en France, du génie Jean-Michel Jarre au sympathiqu­e groupe Space, il était déjà courant de jouer à l’homme-machine. Vingt ans plus tard, Mirwais et Air usaient brillammen­t du vocoder et Daft Punk achevait ce processus de robotisati­on avec ses fameux casques. Tout cela n’est pas anodin : rappelons que Ray Kurzweil, le gourou givré de Google, a inventé plusieurs synthétise­urs avant de délirer sur l’intelligen­ce artificiel­le et la futurologi­e. L’électro et le transhuman­isme ? Un couple qui célèbre ses noces d’émeraude et reste en quête de la jeunesse éternelle.

Toujours aussi doux dingue illuminé, JB Dunckel n’a pas l’intention de retourner au folk bio, guitare sèche et gratin de blettes : « Here come the new men, their life has no end », chantet-il sur H+, album où il pousse plus loin que jamais l’alliance de l’homme et de la machine, prolongean­t le Kraftwerk pop de Computer World. Son studio est un vaisseau spatial ; ses synthés fétiches, le MS-20 et le ARP 2600, sont des extensions de luimême. Si le disque regorge de défrichage­s sonores, ce sont pourtant ses mélodies qui nous remuent. On ne renonce pas aussi facilement que ça à son humanité. La preuve ? Plusieurs jeunes artistes français de chair et de sang inspirés de Air sortent eux aussi des albums ce mois-ci : Bon Voyage Organisati­on ( Jungle ? Quelle jungle ?, Columbia), L’Impératric­e ( Matahari, PIAS) et Saint Michel ( The Two of Us, Sony). Des clones de Dunckel ? Non. Des enfants nés par gestation pour autrui ? Même pas. De simples jeunes gens. Inutile de s’équiper de prothèses auditives pour savourer H+ : c’est avec ses oreilles qu’on l’écoute le mieux.

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