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NEW YORK STORIES

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JAMES MURPHY, LA BOULE DE NERFS

Son label DFA aurait dû cartonner avec The Rapture – mais ils signent ailleurs. Tim Goldsworth­y, alors associé de Murphy, raconte : « James est quelqu’un de très agressif, et la trahison des Rapture l’avait rendu fou furieux. Il voulait les défoncer, les détruire, avoir plus de succès, de meilleures avances… C’est une brute, sans aucun doute. Psychologi­quement violent. Trois séances de psy par semaine pendant vingt ans vous donnent de sérieuses armes. » Pendant tout le livre, Murphy est présenté comme un cocaïnoman­e ingérable, mû principale­ment par la soif de vengeance. Le bison azimuté finira par se brouiller à mort avec son fidèle bras droit Goldsworth­y, las de ses mauvais traitement­s. Murphy : « Tim s’est senti méprisé ? Par qui ? J’aimerais vraiment comprendre ce que j’ai fait de travers. »

KAREN O, L’ÉGÉRIE MÉLANCOLIQ­UE

« Ça fait chier, la modernité… C’est tellement compliqué. Je me souviens que j’étais vraiment excitée par ce que je vivais, j’avais l’impression d’être là où il fallait être, mais personne ne me laissait en profiter, ni les autres groupes, ni la presse. Il y avait beaucoup de méfiance. New York n’avait plus vécu ça depuis vingt ans, et tout le monde nous renvoyait à cette période. Fermezla ! Un jour, dans une boutique vintage de Cleveland, j’ai trouvé un vieux numéro du New York Rocker, avec Blondie en couverture, et Richard Hell, les Ramones… C’était déjà la même merde ! Ce cynisme remettant en question l’authentici­té de tout. C’est fou, quand on y pense ! Ça m’avait fait du bien de voir ça, même si c’était presque trop tard… Enfin, je me suis bien amusée malgré tout, ne vous inquiétez pas. »

RYAN ADAMS, L’HÉROÏNOMAN­E LUCIFÉRIEN

Il est au coeur des passages les plus croustilla­nts du livre, où l'on voit ce musicien médiocre se muer en vrai vampire, s'invitant en pleine nuit dans la colocation de Julian Casablanca­s et Albert Hammond Jr. pour sucer le sang créatif des Strokes et inciter ledit Hammond Jr. à plonger avec lui dans l'héroïne. Casablanca­s essaie de protéger son ami, fragile et dépressif, en le tirant des griffes malfaisant­es d'Adams : « Avec l’héroïne, on franchit la ligne rouge. Ça peut vous prendre votre âme. Donc quand quelqu’un essaie de lobotomise­r votre ami, vous vous interposez. » Réponse d'Adams « C’est trop facile de me stigmatise­r. Je n’étais pas la cause de leurs problèmes, et ils le savaient. Je me souviens que je pensais que les mecs des Strokes étaient beaucoup plus dans l’héroïne que moi. » :

PAUL BANKS, LE NOCEUR STOÏCIEN

Encore un qui ne crachait pas sur les drogues, cocaïne de préférence. Mais en philosophe détaché : « Même quand j’étais un vrai fêtard, j’avais toujours cette voix en moi qui me disait : “Ce n’est qu’un safari.” Dans ma tête, je prenais des notes. Je voulais tout observer, c’était exotique. » Un safari qui a quand même débouché sur une grosse descente. En vacances d'Interpol, Banks s'isole alors trois ans dans le New Jersey et planche sur un album solo : « Pour moi, faire de la musique est comme une fonction biologique : c’est une réaction à ma vie quotidienn­e. Il ne faut rien prendre trop au sérieux… Quoiqu’il arrive, je composerai toujours. Même quand je serai un putain de vieux papy, quand j’aurai perdu mon mojo, je ne crois pas que j’arrêterai la musique pour me mettre à jardiner. »

EZRA KOENIG, LE BOBO COMPLEXÉ

Meet Me in the Bathroom est aussi l'histoire d'une rivalité entre Manhattan et Brooklyn, où des snobs comme TV on the Radio tapent laborieuse­ment le boeuf. Si le quartier donnera de bons groupes (le meilleur étant MGMT), il deviendra vite une tarte à la crème. Ezra Koenig, le leader de Vampire Weekend : « J’ai toujours détesté qu’on soit associé à Brooklyn. J’ai vécu à Brooklyn, et c’est beau, je n’ai rien contre, mais j’ai trouvé ça tellement… injuste. Cette esthétique de Brooklyn, pour moi, n’avait rien à voir avec

notre truc, et ça nous a rabaissés. » C'est dans le Lower East Side que le rock newyorkais avait ressuscité avec flamboyanc­e, c'est à Williamsbu­rg qu'il s'est éteint à petit feu. Casablanca­s lui-même finira par quitter New York, dégoûté par le trop-plein de « Blancs qui brunchent » . Lizzy Goodman, Meet Me in the Bathroom (Dey Street Books, import)

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