« MAGAZINE POP DEPUIS 1991 ! «
Brest, été 2013. Nous sommes une petite centaine installée dans cette salle de la mairie à attendre les futurs mariés, Hervé et Claude. Il s’agit du deuxième mariage gay célébré dans ces lieux, et tous partagent la même excitation, celle d’être des témoins privilégiés d’un moment charnière. A quelques minutes de l’entrée éclatent les premières mesures, grandiloquentes, d’un vieux tube que je pensais avoir oublié. « Go West » des Pet Shop Boys. « (Together !) Your hand in my hand, (T ogether !) We will make our plans... ». Ce bijou de pop synthétique me semble aussi kitsch et contemporain qu’à sa sortie en 1992. Mais ses paroles, choisies en clin d’oeil à la rencontre entre nos héros du jour, qui s’est faite pas loin d’ici, à la pointe la plus à l’ouest du pays, prennent une résonance particulière entre ces murs. Sortie dans l’Angleterre du début des années 90 – celle de la création de l’association OutRage (pour pousser les forces de l’ordre à mieux protéger les Anglais d’attaques homophobes) et du premier rassemblement Europride à Londres (1992) –, cette reprise des Village People, l’histoire d’un couple rêvant d’une vie plus douce, qu’ils obtiendraient en s’installant « à l’ouest », est devenue au fil des décennies un hymne des combats gay. Le morceau touche à sa fin, l’émotion est à son max... Même ici chez Technikart, magazine pop jusqu’à la moelle (mais zieutez-moi ces couves !), on a tendance à oublier à quel point cette musique peut être puissante, excitante, dévergondante... Ce truc fondé sur « l’existentialisme de masse » ressenti par la jeunesse de l’après-guerre, celle décidée à « vivre pour le moment sans pensée pour un lendemain qui pourrait bien ne pas venir » (pour citer le grand critique anglais Jon Savage) peut-il encore nous émoustiller ? Alors que la moindre crétinerie nous est vendue comme méritant une place de choix dans l’histoire de la pop culture, recentrons-nous sur l’essentiel : notre émotion devant « Don’t look back in anger » reprise par l’Angleterre toute entière suite à l’attentat islamiste devant le concert d’Ariana Grande ; notre attente fébrile des nouveaux morceaux de Kanye West (quel génie de la comm XXIème siècle celui-là) ; notre découverte de cette interview improbable d’Anggun par le camarade Malnuit (ses groupes fétiches resteront, à jamais Depeche Mode et Army of Lovers...), notre écoute en boucle cette fin de printemps du premier S.Pri Noir... Bonne écoute, Laurence Rémila PS / Nos abonnés reçoivent le dixième numéro du mythique Technikart Super-Cannes. Si vous voulez être bichonné comme ces veinards, vous savez ce qu’il vous reste à faire.