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J’EN AI MARRE QU’ON ME DISE QUE JE SUIS VIEUX !

NE LUI PARLEZ SURTOUT PAS DE MAI 68, «DANY LE ROUGE» EN A RAS LA CASQUETTE. NI DE SON BÉGUIN POUR L’ULTRA- LIBÉRAL MACRON ( LE PRÉSIDENT FAIT UNE APPARITION DANS SON NOUVEAU FILM*) NI MÊME DE SON ÂGE (73 ANS). ALORS, DE QUOI QU’ON CAUSE ?

- PHOTOS ANNE-CHRISTINE POUJOULAT

Dany, j’ai lu que pour vous, l’apparition de Macron était « une oeuvre d’art ». Vous êtes sérieux ? Daniel Cohn Bendit : Pffff… Ça commence. Je sais pas ce que j’ai dit dans ma vie. C’est possible, c’est impossible, je ne sais pas. Et comment je fais mon interview, alors ? J’en sais rien. Débrouille toi… T’as qu’à partir du fait que je m’en souviens pas. Une oeuvre d’art ? Sa campagne était un chefd’oeuvre ça oui. D’ailleurs… Ah non, moi je parle du film, La

Traversée ! De son apparition dans votre film ! Aaaahhhhh !!! L’apparition de Macron dans le film ? OK ! Alors oui, je te confirme : son apparition est une oeuvre d’art. Un chefd’oeuvre dans un film documentai­re. Mais le film ne se résume pas à ces 6 minutes 35 secondes de Macron. On le réduit quand même beaucoup à ça… Mais c’est qui « on » ?

Les critiques... Et ben voilà ! C’est bien ça le problème. Tu l’as vu toi, le documentai­re ?

Oui, et je crois que c’est le seul moment de cinéma... T’exagères ! C’est pas le seul moment où il se passe quelque chose. Merde, il se passe un truc quand on dîne avec le Front National, non ? Il se passe un truc avec Ménard, non ? Tu vois ces visages, tu entends ces gens qu’on n’entend jamais. C’est la France profonde que t’as devant toi. T’es au café du commerce. Et il se passe un truc. Je suis désolé, mais moi je trouve que c’est du cinoche. En tout cas, ça colle avec l’objectif qu’on s’était fixé. Et c’était quoi l’objectif de départ ? Faire la photo d’une France que tu ne vois jamais. On voulait parler à la France qui bosse. Les pêcheurs, les paysans, les types dans les hôpitaux. Pas de repérages, pas de plans (à part google map). 15 000 bornes pour regarder, écouter. Tout le monde. Sans distinctio­n. Tous ces mecs que les médias dont tu parlais n’évoquent que très rarement. Quand on est parti avec Romain, lui, il était convaincu qu’il y avait un truc de pourri en

France. Il en était malade. Malade de ce qu’il pensait découvrir. Les 20 ou 30% du Front National, la montée de la colère… C’est comme ça qu’on a embarqué ensemble. Moi je demandais à voir. J’ai toujours besoin de me rendre compte par moi-même. Le dîner FN c’est un bon exemple de la méthode qu’on avait. Ils sont là, ils sortent tous les clichés du FN et je les écoute. Mais vous semblez quand même un peu sûr de vous, un peu triomphant dans ces moments-là ! Mais pas du tout ! Tu me vois leur faire la leçon ? Leur tenir un discours progressis­te ? Le seul truc que je dis, c’est qu’ils n’arrêtent pas de voir les choses en négatif. Et ça, c’est intéressan­t. Je distribue jamais les bons et les mauvais points. Je les écoute. Et, non, contrairem­ent à ce qu’on me reproche toujours, je ne joue pas. Sauf avec Macron. Qui, lui, n’est même pas bon acteur. Oh mais tu m’emmerdes avec Macron ! En plus, il a rien joué. Quand on lui a expliqué la scène qu’on voulait faire, dans son bureau à l’Élysée, on s’est engueulé devant lui. Parce qu’on n’était pas d’accord. Romain voulait que ça se passe à l’Élysée et moi je pensais qu’il fallait changer de cadre. Quand il s’est assis dans le café, pour le film, il a halluciné parce qu’on recommença­it à s’engueuler. Mais rien n’était écrit ! Il est resté en tout et pour tout une heure dans le café. On a fait notre prise et il est reparti faire ses rencontres avec Merkel, signer le livre d’or de la ville et faire son interventi­on à la fac avec Cohn Bendit. J’ai du mal à croire que ce n’était pas scénarisé. Et pourtant... Il s’est assis, nous a regardé et je pense qu’il n’a pas cru à ce qu’il voyait. L’histoire de cette scène est dingue, depuis le début. Quand il nous a dit OK pour le film, il a glissé à sa secrétaire qu’elle devait nous rajouter à son agenda de Francfort. Entre Merkel et la Ville, il rajoute : « J’atterris et je donne une heure à Dany et Romain ». C’est un ordre. Une fois que c’est glissé dans son planning, panique à L’Élysée qui nous appelle et demande : « Vous voulez faire quoi ? » « Une interview, pardi. » « Donnez-nous

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DANIEL COHN-BENDIT
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