« TOUT LE MONDE EST LE MÉTISSE DE QUELQU’UN »
L’ANTHROPOLOGUE, ANCIEN RÉDACTEUR EN CHEF DES CAHIERS D’ÉTUDES AFRICAINES, NOUS EXPLIQUE L’ATTRACTION MÉTISSE.
D’où vient cette fascination pour le métissage ?
Jean-Loup Amselle : À l'origine c'est une réflexion qui vient des colonies. Le terme créole est issu de l'espagnol criollo : blanc né aux antilles. Au XIXème siècle il y a une réflexion et une stigmatisation de la notion de races, au sens biologique. À l'époque se forment deux camps, les mixophiles et les autres, ceux qui sont contre, en donnant notamment l'exemple du cheval et de l'âne qui, accouplés, donnent mulets et bardots, des êtres stériles. Des théoriciens racistes, intellectuel, physiciens tel que Faidherbe, considéraient que l'union du blanc et du noir engendrait des individus plus résistants. N'oublions pas : dans le métissage, il y a une idée de race originelle pure ou culture pure. C'est ce que font les zootechniciens en isolant deux races pures pour les mélanger. On retrouve là le pur-sang, le clone. Cette notion est issue de l'esclavage. On est tous métisse à partir du moment où on a deux parents et ainsi deux ADN différents. Sauf si on est issu de deux
jumeaux homozygotes. Cette notion relève-t-elle de la fascination auprès des « non-métissés » ?
Il s'agit d'un rapport de fascination/répulsion. Le métisse fait peur, il est hybride, on ne peut pas dire ce qu'il est. Les jeunes issus de l'immigration aussi sont vus comme « métisses ».
Ils sont à cheval sur deux cultures, fragiles. Il y a eu un net rejet de l'exotique par les coloniaux français, qui appelaient les femmes « congaï ». En réalité, tout le monde est le métisse de quelqu'un. « Les hommes aiment l’exotisme. » Cette généralité est-elle en réalité une question de classe sociale ?
Je reviens de Madagascar, j'ai vu pleins de vieux qui pratiquent le tourisme sexuel, au bras de jeunes de 50 ans de moins. Il y a beaucoup de femmes achetées au Maghreb et en Afrique plus généralement par des occidentaux, aussi via internet. C'est aussi le cas chez les femmes de 70 ans, qui vont se chercher des petits copains jeunes en Afrique. Mais c'est exactement comme à l'époque, entre les bourgeois et les paysannes.