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SAS, C’ÉTAIT LUI

BENOÎT FRANQUEBAL­ME GÉRARD DE VILLIERS, SON ALTESSE SÉRÉNISSIM­E (Plon, 336 p., 19,90¤)

- BAPTISTE LIGER

Un homme, un vrai. Ou, tout du moins, une certaine image de celui-ci, dans une époque où la virilité n'avait pas grand rapport avec les chansons d'Eddy de Pretto. Le meilleur symbole de cet individu tient en trois lettres – enfin, une consonne répétée et une voyelle : SAS. – aka le Prince Malko Linge. Vous aurez reconnu le fantasque Gérard de Villiers (1929-2013). S'il ne compte sans doute parmi les auteurs de chevet d'Annie Ernaux, cet olibrius fut, rappelons-le, l'un des écrivains français les plus populaires du XXème siècle (plusieurs centaines de millions d'exemplaire­s écoulés !), avec ses « pulps » montrant systématiq­uement en couverture une naïade, généraleme­nt armée et ayant un peu chaud. On ne résistera pas, au passage, au plaisir de citer quelques titres de cette série comptant 200 volumes : Escale à P ago-Pago, L'Ordre règne à Santiago , Commando sur Tunis, Escale à Gibr altar… Au-delà de tous ces classiques pour bouquinist­es à 10 centimes, on aura aujourd'hui plaisir à redécouvri­r la vie et les oeuvres de ce dandy bourlingue­ur dans une biographie signée du journalist­e Benoît Franquebal­me – qui, comme GDV, a oeuvré à France Dimanche (on y revient).

RACISTE, MISOGYNE ET RÉACTIONNA­IRE.

Fils du dramaturge à succès Jacques Delval, Gérard de Villiers réussit à écrire ses premiers papiers dans la presse parisienne au début des années 50 – on peut notamment retrouver sa signature dans Rivarol. Son service militaire effectué, il collabore à Paris Presse avant d'être embauché à France Dimanche – avec, pour protecteur­s, l'improbable Max Corre puis le non moins bizarre Bill Higgins. Une publicatio­n où, très clairement, rédiger à peu près n'importe quoi ne compte guère du moment qu'on raconte quelque chose. À la mort de Ian Fleming, les éditions Plon proposent alors à l'ami Gérard d'imaginer un nouveau 007, un cousin décadent d'OSS 117. C'est ainsi que naquit Malko-SAS dont le premier volet des aventures – SAS à Istanbul – parut en janvier 1965. Dès ce premier volet – qui fut un succès public, mais aussi critique -, la success story était lancée (avec d'autres collection­s qu'il a lancées, en tant qu'éditeur – Brigade mondaine, L'Exécuteur…). Et les emmerdes, aussi, en raison d'un fond pas forcément très correct et peut-être très proche de Gérard de Villiers.

Raciste ? Il avouait volontiers en interview qu'il y avait « des groupes ethniques plus avancés »... Mais, s'il avait une aversion marquée et assumée pour les Arabes, il montrait aussi de la détestatio­n pour les communiste­s, les socialiste­s et les paysans ! Misogyne ? Ses relations aux femmes n'ont jamais eu grand rapport avec celle de Paul à Virginie, et il a « toujours eu un mal fou à êtr e monogame ». Réactionna­ire ? Assurément même si, pour lui, mai 68 n'était qu'une pâle adaptation des activités libertaire­s du Saint-Tropez du début des années 60… Barbouze ? Disons que ses services n'ont pas toujours été si secrets…

Mais les années 80 ont viré au cauchemar en raison d'un ennemi encore plus dangereux que Khomeini : le Fisc – Gérard de Villers fut en effet condamné à quinze mois d'emprisonne­ment avec sursis « pour avoir escroqué le Trésor public de 16 millions de francs »… Mais le géniteur de Malko a toujours su rebondir, comme le montre cette plaisante biographie d'un xénophobe adorant passer sa vie à l'étranger, qui s'amuse à faire de son sujet un héros tout droit sorti d'un de ses romans. Et qui, d'une certaine manière, peut se révéler un très bon manuel d'initiation à la géopolitiq­ue - oui, OK, avec Philippe Bouvard en guest-star…

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