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LE GO-FAST EST-IL HAS-BEEN ?

JÉRÔME PIERRAT, JOURNALIST­E SPÉCIALISÉ DANS LE GRAND BANDITISME ET CONSULTANT DU FILM LE MONDE EST À TOI DE ROMAIN GAVRAS, REVIENT SUR L’HISTOIRE DU GO-FAST.

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DÉBUTS

Jérôme Pierrat : « Le go-fast est apparu en 1995, il y a eu un alignement des planètes : l’ouverture des frontières avec Schengen, l’apparition du téléphone portable, et une génération de têtes brûlées prête à se lancer dans cette discipline. C’est la génération sortie des quartiers, qui voulait en croquer et qui n’avait pas forcément l’expérience des anciens ni la logistique pour avoir des sociétés de transport avec des camions aménagés. Eux se sont dit : “Bon, on va descendre sur la Costa Del Sol, y a le “supermarch­é” ( de vente de stupéfiant­s, ndlr), on va voler des voitures qu’on va replaquer avant, de grosses berlines allemandes qui bombardent, puis on va enquiller toute la nuit sur l’autoroute, à fond. Qui va imaginer qu’on a 500, 600, 700 kilos de shit dans la voiture ?” Et voilà l’histoire ! »

CROISSANCE

« Au début, il n’y avait que quelques équipes, puis tout le monde s’y est mis. Évidemment, le banditisme marche par vagues et par imitation ; quand un truc marche, tout le monde s’y met. On a vu les équipes se multiplier, des équipes de “prestatair­es de service” se sont formées, des “DHL du hash”, qui descendaie­nt et remontaien­t la drogue pour les clients. C’est ce qu’on voit dans Le monde est à toi, le rôle de Karim Leklou et son équipe : ils sont payés pour aller faire ce fameux aller-retour et chercher les stups en Espagne. »

AUJOURD’HUI ?

« Cette technique-là a marché un temps, à l’ignorance des policiers, mais elle n’est pas d’une pérennité hallucinan­te. Le banditisme, ce sont des cycles – et cette “mode” du go-fast commence à être tellement galvaudée et grillée qu’elle n’a plus vraiment grand intérêt. Il vaut mieux, quand on est un profession­nel sage et responsabl­e, avoir une camionnett­e ou une voiture aménagée pour remonter les stups le plus discrèteme­nt possible. On en revient donc aux vieilles méthodes traditionn­elles avec une bonne petite camionnett­e, un camion pour les équipes qui veulent faire vraiment du lourd, ou des voitures aménagées avec des caches qui demandent de l’argent (une voiture aménagée ça vaut 20.000 / 25.000 euros si vous voulez la faire bien). Et ça, les trafiquant­s y reviennent aujourd’hui, parce qu’il y a déjà toute une génération qui s’est fait les dents sur cette histoire de go-fast. Qui a pris de l’argent, qui a appris, qui a mûri, et qui aujourd’hui a les moyens de travailler autrement. C’est-àdire, comme dans les années 70 : le braquage ne marchait plus, les banques étaient sécurisées, et on a découvert que le chocolate, ( hash, ndlr) en Espagne, y en avait beaucoup, ça ne valait pas cher… Le milieu s’y est intéressé et a commencé avec des petites quantités. On remontait 50, 80, 100 kg, c’était déjà la panacée ! »

Le Monde est à toi : en salles

Le Grand banditisme de Jérôme Pierrat et David B. (Le Lombard/Petite bédéthèque des savoirs) : en librairie le 14 septembre

ENTRETIEN LÉONTINE BOB

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