S.CRAIG ZAHLER, L'IMPITOYABLE
S. CRAIG ZAHLER LES SPECTRES DE LA TERRE BRISÉE (Gallmeister/Americana, 400 p., 23,60¤)
C'est un poète. Même si on est loin de Jacques Prévert ou Maurice Carême.
Ainsi, la première fois où l'on a entendu parler de S. Craig Zahler en France, c'était au Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2016 – un jeudi matin de fin janvier, pour être précis. Les spectateurs présents n'oublieront pas la projection de Bone Tomahawk, premier long-métrage du garçon qui nous offrait là un grand western néo-classique avec Kurt Russell et… des Indiens cannibales. Il aura suffi d'une scène de sacrifice rituel, qui ferait passer The Human Centipede pour une comédie avec Arnaud Ducret pour créer une légende ! Mais qui était donc ce boucher surdoué ? Eh bien, un écrivain américain, originaire de Floride qui, jusqu'alors, ne s'était fait connaître au cinéma que pour le scénario de la série B The Incident d'Alexandre Courtès (futur réal de la série Au service de la France).
DEATH METAL
La qualité des dialogues de Bone Tomahawk montrait d'ailleurs une virtuosité qui rendait encore plus pénible le souvenir des Huit
salopards de Tarantino… La finesse et la brutalité sont d'ailleurs un peu le Yin et le Yang de l'ami Steven (non, S. n'est pas son vrai prénom), qui possède d'autres cordes à son arc – ou, plus exactement, à sa guitare. Non, enfin, à sa batterie, puisqu'il est également, sous le pseudo de Czar, percussionniste et chanteur dans un groupe de… death metal, Charnel Valley ! En 2010, les Américains avaient pu découvrir son premier roman, Une
Assemblée de chacals, néo-western gore qui annonçait donc Bone Tomahawk et qui fut seulement publié en France l'automne dernier. A la même période, Zahler faisait la promo de son second long-métrage, Section 99, film de prison très bourrin (et très réussi) avec Vince Vaughn et Don Johnson*, qui commence comme un épisode d'Oz et se finit façon Hostel. Nul doute que la violence extrême de ce long-métrage, une fois encore remarquablement écrit et très gore (il se finit sur… une tête explosée !), l'aura banni des grands écrans français. Comme son premier long-métrage. Toujours est-il qu'avec la même équipe – plus Mel Gibson ! -, il a aujourd'hui remis le couvert avec un polar, présenté à la Mostra. Zahler a donc d'autres chats à fouetter que de faire la promo française de son roman écrit en 2013, Les Spectres de la terre brisée…
UNE ESCOUADE TRÈS PARTICULIÈRE
À l'image de Bone Tomahawk, il s'agit là d'une histoire de patrouille chargée de sauver des femmes kidnappées et retenues dans la montagne – plus exactement, dans un « salon de divertissement pour hommes », tenu par un certain Gris, où toute morale est laissée à l'écurie… Nous sommes au Mexique, au début du XXème siècle et le père des malheureuses – l'ex-chef de gang John Lawrence Plugford – va former une escouade très particulière pour cette mission. Sur cette trame simple, S. Craig Zahler s'amuse à composer des personnages hauts en couleurs et à multiplier les scènes cruelles, le tout avec des dialogues aux oignons confits et des aphorismes comme celui-ci (c'est cadeau !) : « l'homme ne se fait aucune illusion sur le genre de vie qui attend un type mutilé, aveugle, à qui on a enlevé le pénis »…
*Sortie en DVD en France le 25 septembre (Universal)