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« AUBERVILLI­ER S C’EST PAS LE ! » BRONX

GRÂCE À SON TUBE « UN PEU IVRE », LE RAP FRANCILIEN S’EST REMIS À LA BIBINE (AVEC MODÉRATION). NOTRE REPORTER LUI SOUMET DONC NOTRE « INTERVIEW EAU MINÉRALE, RÉPONSES SÉRIEUSES ».

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Avec ton premier album, C’est Rémy, tu proposes un « rap à l’ancienne ». C’est pas trop dur de faire du rétro à 21 ans ?

Rémy : N’importe quoi ! ( Rires.) Le rap, il suit son cours. Il évolue en bien ou en mal, il est de plus en plus varié, mais c’est toujours du rap. La seule vraie nouveauté, c’est qu’il devient de plus en plus présent sur la scène médiatique. Et t’écoutes quoi en ce moment ? Là c’est surtout les albums à l’ancienne d’Akon et toute l’ancienne vague. Quand je mets le son dans la Fiat Punto, mes gars ils me disent « Vas y mets nous du rap français », je leur dis « c’est mort, laisse-moi avec Akon »( rires). Dans une vieille interview, tu disais t’en foutre de beaucoup de choses parce que tu n’étais pas à la mode. Aujourd’hui que tu l’es, ça change quoi ? Moi je suis Rémy, je suis venu avec le rap que je sais faire donc si je suis à la mode ça fait plaisir, si je ne le suis pas c’est comme tu veux. En fait je ramène le message qu’on avait perdu. J’accorde autant d’importance au fond qu’à la forme, et j’essaye de raconter notre vécu et de le transmettr­e au plus grand nombre.

« LES GENS DISENT, “C'EST QUI CE BLANC, IL EST BON !”»

Tu viens d’Aubervilli­ers dans le 93, comme Vald, Fianso, Sadek, Kaaris, Hornet La Frappe...

Même moi je ne sais pas expliquer pourquoi tant de rappeurs sont d’ici. On vient de la rue et on a tous eu envie de montrer ce qu’on savait faire à notre façon. La rue, ça peut être un frein mais elle donne aussi une grande force de caractère. Chacun à son propre style, mais je ne sais pas pourquoi ça a explosé d’un coup. J’ai envie de dire tant mieux, ça prouve qu’on est productifs et que tout le monde peut s’en sortir.

Si tu devais définir Aubervilli­ers ?

Je dirais « solidaire ». À en croire les anciens, il n’y a pas grand chose qui a changé en trente ans.

Quand les gens parlent de cité, ils pensent directemen­t à la délinquanc­e et à la violence.

Non, pour moi la délinquanc­e et la violence, il y en a partout. Je vis dans une cité et ce n’est pas pour ça que j’en vois tous les jours. Et Aubervilli­ers, c’est pas le Bronx non plus !

T’y habites toujours ?

Oui. J’ai toujours habité ici et j’aime profondéme­nt ma ville. Les gens pensent qu’il y a des bazookas, que c’est la guerre, alors que tu verras : mes potes, ils peuvent t’aider à tout moment, ils ne vont pas te voler. On n’est pas des animaux !

Grandir dans une cité, ça apporte quoi ?

T’apprends beaucoup de choses. Dès le plus jeune âge, t’es dans le bain. T’apprends à te faire des amis, à faire attention. Je ne dirais pas qu’on a plus de maturité, mais le fait de grandir ici, bah j’ai appréhendé un peu plus facilement la vraie vie.

Et tu t’es mis au rap à quel âge ?

Il y a 10-11 ans, j’étais ado. Mon premier texte parlait de prison, de ma cité. Je disais que j’étais un ex-taulard (rires). Les mecs de ma cité, ils entendaien­t ça et ils se moquaient de moi, je voulais juste faire rimer des mots au début, je m’en foutais du sens donné.

Et tes parents, ils en ont pensé quoi ?

Ma mère a été déçue quand j’ai arrêté mon bac pro vente au lycée Suger à Saint-Denis au bout de deux ans pour me consacrer à la musique. Je ne sais pas pourquoi elle m’a laissé faire, mais aujourd’hui elle est fière de moi.

Et quand on est blanc, on doit vraiment travailler plus pour percer dans le rap ?

Il y a moins de blancs aujourd’hui. Il y a Orelsan, Nekfeu, Lomepal, mais on est une minorité, donc il faut prouver plus, oui. Quand je viens de cité, je suis une minorité en étant blanc, donc quand je sors des sons, il faut vraiment que je sois bon. Les gens ils écoutent et disent « tiens c’est qui ce blanc, il est bon ».

Dans beaucoup de tes sons, tu cites la marque Philipp Plein. Notamment dans l’intro de l’album : « Tu t’habilles chez Philipp Plein, mais chez toi gros c’est plein d’cafards ». C’est quoi ton problème avec les marques de luxe ?

Je ne parle pas des mecs qui s’habillent luxueuseme­nt et qui ont les moyens de le faire. Je parle pour les mecs qui aiment bien acheter des habits à 1.000 euros et qui après n’ont même plus assez d’argent pour faire partir les cafards de chez eux ( rires). Il y en a beaucoup comme ça et c’est dommage. Mais j’ai beaucoup de potes qui s’habillent en Philipp Plein et qui donnent aussi des sous à la daronne, ils font les choses bien. Quand je dis ça, je veux dire aux gars : « avant d’acheter des vêtements aussi chers, donne juste 500 euros à ta mère. Elle en a sûrement plus besoin que toi de ce t-shirt qui sera déjà foutu dans un mois ! »

C’est Rémy (Def Jam France)

ENTRETIEN NIL ANTONIETTI

« QUAND JE METS DU SON DANS MA FIAT PUNTO, C'EST DU AKON. »

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PHOTOS GUILLAUME LANDRY
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