Technikart

« T’ES DANS UN ORGASME PERMANENT »

Le Prix de Flore 2017 a pratiqué les soirées chemsex et en a tiré le sujet de son prochain livre. Il nous raconte ces « touz sous drogues ». Ames sobres s’abstenir !

- Par Camille Laurens

Ton prochain livre s’intitulera Chemsex. Le phénomène méritait un roman ? Johann Zarca : Bien évidemment ! Le chemsex, c’est le reflet de notre société ultra-consuméris­te. Les jeunes se détachent de plus en plus de l’idéal parental binaire et vont vers une sexualité de plus en plus épanouie. Ultra-connectés, ils swipent les partenaire­s, les drogues, multiplien­t les aventures, les teufs, les baises – parfois sur un max de jours. Cette drogue permet d’être plus performant, et on peut impression­ner ses partenaire­s en durant plusieurs jours. C’est une quête perpétuell­e de plaisir, qui se joue sur l’instant (« je veux un kiff maintenant, et qu’il soit plus intense, plus fort ») et sur la durée (« je veux être performant plusieurs jours »). Quand tu « chemsexe », t’as l’impression que t’es dans un orgasme permanent. Tu montes très vite dans le plaisir, et tu tiens ! Ça te permet d’aller beaucoup plus loin dans le sexe.

Du coup, ça rend accro ?

Ça peut : comment revenir à la normale après des découverte­s aussi intenses ? C’est ce dilemme-là que traitent les médecins en ce moment.

Grande nouveauté : même en pleine action, les « chemsexers » restent collés à leurs écrans.

Oui, ce qui m’a vraiment marqué dans les soirées que j’ai faites, c’est le rapport à son image. Chacun était la tête plongée dans son téléphone ! Même quand ils sont en train de baiser, ils se matent, sont sur toutes les applicatio­ns. C’est hyper-contradict­oire avec l’idée que l’on se fait des partouzes. Y a vraiment presque rien de l’instant présent, les gens sont là sans être vraiment dans l’action...

Le GBL et autres drogues de synthèse, qui ont toujours été présentes dans une certaine communauté gay, s’invitent de plus en plus dans les soirées hétéro. Pourquoi selon toi ?

Ça fait maintenant deux piges que je vois des hétéros dans les teufs prendre de la 3MMC (une drogue de synthèse extrêmemen­t euphorisan­te, ndlr), du GBL… Alors que je pensais être le seul hétéro à prendre ces drogues ! En fait les gays sont assez avant-gardistes en général dans la baise, comme ils l’ont été sur la prostate, etc… Et bah les hétéros arrivent derrière et font la même chose ! En ce moment, ces drogues arrivent grave chez les hétérosexu­els. Quand tu prends ces produits, tu vois comment ton esprit est branché cul. C’est pas comme de la MDMA, c’est un truc complèteme­nt bestial. Un trou est un trou, peu importe la personne. Tu deviens trash. T’es quand

Dernier ouvrage paru : Success Story (coécrit avec Romain Ternaux), éditions La Goutte d’or, 320 pages, 17 €

même plus connecté à la réalité qu’avec d’autres drogues mais t’es plus barré dans ton cerveau ! Obsédé par le cul, mais aussi par ta performanc­e. C’est moche de dire ça mais tu deviens une bite/chatte sur pattes. Et au final t’as de plus en plus de couples qui testent parce que ça t’ouvre les portes à un sexe de fou !

Quand tu en parles, on a l’impression que c’est le pied ultime. C’est quoi le mauvais côté ?

De devenir addict. Y a des risques d’overdoses, de baiser n’importe comment, avec n’importe qui, sans protection. Surtout maintenant avec la pRep (médicament immunisant contre le VIH, ndlr), les gens s’en foutent de plus en plus. Donc pour ce qui est des MST, et autres risques, c’est vraiment chaud… T’as le revers de la médaille : tu peux baiser des heures et des heures, mais après y a un gros contrecoup. Y a aussi dans le milieu des chemsexeur­s des voles de came, ils viennent que pour se défoncer, même plus pour la baise. Ce sont des drogues qui t’envoient quand même loin et pour revenir à la normale après plusieurs jours high, c’est pas facile. Ca rend des orgies qui pourraient être hallucinan­tes mais en fait un peu tristes au bout d’un moment. Ce sont quand même des drogues qui sont bien sournoises…

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T’EN VEUX ENCORE ? _ L’écrivan primé ne semble jamais rassasié.

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