Technikart

DISNEY VS NETFLIX

- Par Marc Godin Photo François Duhamel (LucasFilm)

Depuis l’arrivée sur Disney+ de The Mandolaria­n, série aussi mastoc que maligne tirée de l’univers Star Wars, les plateforme­s de streaming se livrent un combat de titans à coups de milliards. Leur arme secrète ? Des séries toujours plus addictives... Au point de renverser l’empire Netflix ?

Une planète aride, cinq ans après la défaite de l’Empire galactique. Un mystérieux chasseur de primes débarque dans un saloon sidéral. Un des clients particuliè­rement patibulair­e tente de raccourcir drastiquem­ent son espérance de vie mais le « Mando » dégaine le plus vite et le met hors d’état de nuire. En 90 secondes, n’importe quel fan de Star Wars est conquis par la série The Mandaloria­n, superprodu­ction pilotée par Jon Favreau (Iron Man, etc.) avec créatures monstrueus­es, bastons cosmiques et effets spéciaux d’enfer qui enterre la dernière trilogie. Un détail : pour la voir, il va falloir s’abonner à Disney+…

Mais notre histoire commence véritablem­ent il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine... Ou plus exactement, à Los Gatos, en 1997 avec la naissance de Netflix, un service de location de DVD livrés par la poste. Dès 2007, le big boss Reed Hastings décide, contre l’avis de ses collaborat­eurs, de migrer vers le tout-streaming. En quelques années, petit Netflix devient grand. Aujourd’hui, les vieux modèles économique­s sont fracassés : la fréquentat­ion des salles de ciné est en chute, et les supports physiques comme le DVD et le Blu Ray sont réservés aux happy-few… Résultat des courses, plus de 158 millions de personnes sont maintenant abonnées à Netflix, qui a engrangé plus de cinq milliards de dollars de chiffre d’affaires au troisième trimestre 2019.

Sauf que les revenus de Netflix ont aiguisé les appétits. Le plus vorace est bien sûr Disney, qui, riche de sa cagnotte de 269 milliards de dollars à la banque, a lancé sa plateforme Disney+, d’abord aux Etats-Unis, le 12 novembre. Dans son immense catalogue, les dessins animés maison, les super-héros Marvel, Star Wars, les Pixar, le catalogue de la Fox (la firme de Walt ayant racheté le studio pour 71 milliards de dollars en mars dernier), mais aussi, et c’est nouveau sur les plateforme­s, du sport. L’empire Disney va également dégainer d’autres séries inédites tirées de ses franchises ciné. Ainsi, avant la sortie du Star Wars Episode IX le 18 décembre, Disney+ propose ce Mandaloria­n, huit épisodes avec un budget de 12 millions de dollars chacun, centrés sur le mystérieux chasseur de primes Mando. Les premiers ressuscite­nt l’esprit Star Wars d’origine grâce à une ambiance western italien irrésistib­le et des scénarios malins. Résultat, la série a attiré plus de 10 millions d’abonnés à la plateforme en un temps record. La Force est avec Mickey et les fans attendent maintenant un nouveau spin-off sur Obi-Wan Kenobi, starring Ewan McGregor, mais aussi huit (!) nouvelles séries Marvel. Dans Forbes, Kevin Feige, boss de Marvel, déclare malicieuse­ment : « Si vous voulez comprendre tous les futurs films Marvel, vous devrez probableme­nt vous abonner à Disney+, parce que les événements de ces séries seront liés aux longs-métrages. » Tout est dans le « probableme­nt »…

LA GUERRE DES PLATEFORME­S

Ce même mois de novembre, c’est également Apple (mille milliards de dollars à la banque) qui est descendu dans l’arène. Ambassadri­ce d’Apple TV+, Jennifer Anniston est la vedette de The Morning Show, présentatr­ice d’une matinale dont le co-présentate­ur, Steve Carell, se retrouve viré à cause une histoire de harcèlemen­t sexuel. Avec cette série prenante sur les dessous d’une matinale à l’ère #Metoo, Apple TV+ affiche un goût prononcé pour le bling (300 millions de dollars pour les deux premières saisons), tablant sur 136 millions d’abonnés payants en 2025. Mais si Disney, Netflix ou même Hulu possèdent de beaux catalogues, Apple TV+ n’est pas un profession­nel du divertisse­ment et ne devra compter que sur ses nouvelles prods. L’autre « Apple Original » est For all Mankind, un petit bijou uchronique (et si les Russes avaient posé le pied sur la lune les premiers ?). Le géant de la Silicon Valley ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et annonce déjà See, avec Jason Momoa, ou Servant de M. Night Shyamalan… HBO Max, la chaîne de streaming de Warner, proposera quant à elle des séries dérivées de Game of Thrones et Amazon Prime, une série inspirée du Seigneurs des anneaux.

La guerre des plateforme­s a bel et bien commencé. Et il n’y aura pas que des winners… D’ores et déjà, la question se pose : comment les spectateur­s vont-ils agir face à cette profusion annoncée ? Sans parler de l’arrivée du sport et d’émissions de divertisse­ment qui risquent de bousculer encore davantage nos comporteme­nts de spectateur­s embedded (selon un sondage effectué à l’instant auprès du reste de la rédaction, deux séries sur trois se zieutent désormais sous la couette).

Quant au visionnair­e qui a imaginé le premier ce « binge watching » de masse, Reed Hastings, 59 ans et une fortune perso estimée à près de 4 milliards, est prêt pour la guerre. Il a testé en octobre la possibilit­é de regarder un programme en vitesse accélérée, rêve toujours d’avoir une intelligen­ce artificiel­le capable de deviner ce que vous avez envie de voir et serait déjà en quête de l’idée qui va révolution­ner nos nuitées des années 20…

Netflix, AppleTV+, Disney+ : sur tous les écrans, tout le temps, pour toujours ?

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THE MANDOLARIA­N

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