Technikart

TRUMP EST-IL SOCIALISTE ?

Pour Philippe Moreau-Chevrolet, le politologu­e préféré des chaînes d’infos en continu, le salut de la gauche française se trouve peut-être dans le programme du président américain. Explicatio­ns, camarade ?

- Par Philippe Moreau-Chevrolet MAUVAIS SIGNAL www.mcbgconsei­l.com

Donald Trump est-il de gauche ? Pas la gauche ultra-light des années Hollande, pas la gauche qui n’avale pas la fumée des années Clinton ou Obama, ni la gauche cigare de Mélenchon. Pas la gauche vapoteuse au goût « caramel-speculoos » des contingent­s du PS passés à LREM. Non, la vraie gauche.

Celle qu’on a oubliée. Celle du travailleu­r, de l’ouvrier, la gauche de l’établi. En un mot, celle qui croyait à l’industrie et savait la défendre. La gauche qui ne considérai­t pas que le protection­nisme était une idéologie rétrograde, parce que Bruxelles l’avait condamnée.

La gauche qui rêvait encore que le premier acte politique d’un président français après son élection ne fût pas d’aller à Berlin rencontrer Angela Merkel, comme c’est désormais une tradition, mais de se rendre à Florange pour rencontrer les métallos.

Ou à Jouy-sur-Morin, pour échanger avec les 240 salariés menacés d’Arjowiggin­s Security.

Ou à Courtenay, pour rencontrer les 300 ouvriers sur la sellette du groupe japonais Ibiden.

Ou à Allone, oú CKB Connectivi­ty prévoit de licencier 162 personnes.

240, 300, 162... Les chiffres sont devenus banals. Ils ne choquent même plus. En dehors des rituelles dénonciati­ons de l’extrême-gauche, de la non moins rituelle mobilisati­on des élus locaux, qui s’en soucie ?

Le Pape François a dit un jour à propos des réfugiés qui meurent par centaines en Méditerran­ée cette phrase terribleme­nt juste : « Qui pleure pour eux ? ». On pourrait dire de la même façon: « Qui pleure pour les ouvriers français ? ». Et, aussi et plus simplement, qui leur parle ?

En France, on aime se souvenir de nos victoires – Marignan, 1515, Austerlitz, 1805 –, moins de nos défaites. A l’époque de la privatisat­ion ratée d’ArcelorMit­tal, en 2012, les ouvriers français étaient séduits par ce fringant jeune ministre, issu du terroir mais présentant bien, qui leur apportait des croissants pendant les piquets de grève.

Arnaud Montebourg parlait de l’industrie, du « made in France ». Il était prêt, lui, à nationalis­er pour sauver les emplois. Il a perdu son arbitrage. Et il n’a pas su démissionn­er.

L’argument employé, à l’époque, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ? La nationalis­ation aurait été « un mauvais signal envoyé aux investisse­urs internatio­naux ». C’est un argument. Mais quel signal a-t-on envoyé aux ouvriers, en 2012 ?

En tant que communican­t politique, quand je pense à ce qu’un message doit être, à ce que le pays peut entendre, je me rappelle une image simple. Celle de mon grand-père, en bleu de travail, enfourchan­t son vélo-moteur pour partir à l’usine, à 5 heures du matin. Je me rappelle qu’il aimait cultiver son jardin et bricoler dans son atelier. Ses mains étaient pour lui toute sa vie. Si on l’avait amputé de ses mains, on l’aurait tué. Tous les jours, on ampute des ouvriers de leurs mains, en France. Et qui s’en soucie ?

Face à cette « panne », que peut apprendre Donald Trump à la gauche française ? A ne plus avoir peur.

Donald Trump n’a pas peur de parler à son électorat, directemen­t et en permanence. Il gouverne à ciel ouvert. Il est vraiment « Jupiter ». Personne ne sait quand la foudre va tomber. Mais elle tombe. Ses combats sont clairs. Et il les mène clairement.

Dès son arrivée au pouvoir, il enterre le Traité Transpacif­ique (TPP), redéfinit ses rapports avec une douzaine de pays asiatiques, et renégocie frontaleme­nt l’Accord de libre-échange nordaméric­ain (Alena) avec le Canada et le Mexique. Du jour au lendemain, il décrète que des surtaxes à l’importatio­n de 25% et 10% seront appliquées sur l’acier et l’aluminium, pour protéger les entreprise­s américaine­s. Une guerre commercial­e est déclarée à l’Union Européenne, au Canada et au Mexique. Dans la foulée, il s’attaque à la Chine, qui est visée par des surtaxes de 25% portant sur des centaines de produits.

Donald Trump ne promeut pas le miel des Landes avec une étiquette Made In France sur le front et un drapeau bleu-Blanc-rouge, en espérant que le consommate­ur fera la différence. Ce qui revient à demander aux Français de se protéger tout seuls. Il surtaxe les produits importés. Il protège.

Et, au passage, Donald Trump finance son économie. Les taxations sur les produits chinois rapportent aux Etats-Unis la somme faramineus­e de 200 milliards de dollars par an. Le Président américain menace aujourd’hui de surtaxer l’ensemble des produits chinois.

Ce Président qui se bat, qui protège, qui impose... est-il moins de gauche que François Hollande, qui a laissé mourir l’usine de Florange pour ne pas envoyer un « mauvais signal » aux investisse­urs ?

Je ne sais pas que mon grand-père en penserait. Je sais, en revanche, que de l’autre côté de l’Atlantique, alors qu’il est plombé par les affaires, menace de destitutio­n, Donald Trump a une chance sérieuse d’être réélu. Et que personne ne le comprendra ici. Surtout pas à gauche...

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France