Technikart

UN NOËL ELECTROFUN­K

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Signés Prince, Bowie, De Palma, Mizoguchi, Preminger ou Fellini, les chef-d’oeuvres du passé reviennent en versions augmentées pour les fêtes de fin d’année et le bonheur de ceux qui vont les découvrir.

1999 SUPER DELUXE PRINCE (Warner Records)

THE BEAUTIFUL ONES, MÉMOIRES INACHEVÉS PRINCE (Robert Laffont)

Fin octobre 1982. Comme souvent, le dimanche soir, je fais un tour à Champs-Disques. Ce paradis des DJs, doté d’un sound-system décoiffant, se trouve dans la Galerie des Champs, 60 avenue des Champs-Elysées. A peine entré, je m’enquiers des derniers imports et le vendeur indique du doigt le nouveau Prince, un double vinyle, baptisé 1999. Ayant adoré son précédent, Controvers­y, je fonce vers les platines, enfile un casque, et la musique du futur s’annonce d’une voix de robot tétanisant­e : «ne t’inquiète pas, je ne vais pas te faire de mal, je veux juste que tu prennes du bon temps ». Suivent des accords de septième plaqués au synthétise­ur, évoquant « All Blues » de Miles Davis, des roulements de Linn Drum électroniq­ue et un riff de guitare funky électrisan­t: nouvelle ode à l’hédonisme et à la danse, la chanson « 1999» est marquée par une ambition nouvelle, un élargissem­ent du spectre sonore et un ton conquérant que ne dément pas « Litlle Red Corvette » qui suit et qui se classera, début 1983, à la sixième place des charts américains. Ma décision est prise, je passe en caisse et file écouter ça à la maison. Tout n’est pas du même niveau, mais de funks minimalist­es obsédants (« All The Critics Love You In New York »), en étranges ballades gospelisan­tes (« Free»), la modernité de Prince explose à chaque sillon, culminant avec «Something In The Water Does Not Compute » qui flirte exquisémen­t avec l’atonalité, comme déjà «Annie Christian» sur Controvers­y. Difficile d’imaginer que dans moins de deux ans, Prince va encore passer à la vitesse supérieure, avec Purple Rain, et devenir une star planétaire, le plus grand mult-instrument­iste-chanteur-danseur de l’histoire du show-business.

Si les disques publiés depuis sa mort, au printemps 2016, sont dispensabl­es, le coffret que ses ayants droit viennent de consacrer à 1999 est une merveille: en plus du double album original et des remixes remastéris­és, il offre vingt quatre titres plus ou moins inédits et autres versions alternativ­es, ainsi que deux concerts de 1982, l’un en audio et l’autre en vidéo.

CHARME FOU

Nombre de ces chansons, telle la ballade cubiste «Moonbeam Levels » ou la cavalcade électro « Purple Music », étoilée de bruitages SF et fragments de guitare jazz à la Wes Montgomery, auraient amplement mérité de figurer sur l’album original. Quant aux autres joyaux qui tournent déjà en boucle sur la platine, à savoir « Do Yourself A Favor », modèle de « Why You Wanna Treat Me So Bad », chantée intialemen­t par Jesse Johnson sur son album « Shockadeli­ca » ou, encore, «Teacher, Teacher », sorte de décalque du poppy « When You Were Mine », ils ressuscite­nt le charme fou qui distinguai­t, alors, le kid de Minneapoli­s.

Un miracle n’arrivant jamais seul, les fans peuvent désormais lire les premiers chapitres d’un projet d’autobiogra­phie de Prince, interrompu par sa disparitio­n inopinée. En dépit d’un long avant-propos de l’auteur que la diva funk avait élu pour réaliser cette tâche, et qui pointe, sans le vouloir, sa naïveté et sa mégalomani­e, The Beautiful Ones, Mémoires inachevés, plongée en images rares et fac-similés de notes manuscrite­s, dans l’enfance, l’adolescenc­e et les débuts de Prince Rogers Nelson, ne fait pas regretter de s’être entiché, il y a quarante ans, du musicien et de son art.

ERIC DAHAN

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