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Au secours !

Cet été, les Parisiens les plus imbuvables (ceux qui écrivent ces lignes) ne seront ni à Sifnos, ni à Composta, mais réfugiés un peu partout en France. Faut-il avoir peur de cette migration bobo ?

- Par Anaïs Delatour CORPS DE FERME ADOPTÉ PAR L’AUTOCHTONE

(Ils sont sur la Côte Atlantique et tiennent à nous montrer cette maison de loc' en bord de mer.) « To rest, recharge and reconnect ! » (Une influenceu­se à la noix logée gratis aux Tilleuls Etretat, son « cocon »). « Hossegor, c'est mon refuge, essentiel pour me recentrer sur ma famille et mes amis. » (À peu près toutes nos connaissan­ces en ce moment.) C'est la grande nouveauté de cet été de déconfinem­ent. Nous autres Parisiens, nous partons tous en vacances à moins de 800 kilomètres. Tous ? Pas tout à fait. Surtout ceux d'entre nous ayant la chance d'avoir une résidence secondaire ou des potes blindés aux as. Ah, toujours ces mêmes marqueurs sociaux (mais avec de nouveaux hashtags à chaque fois)... Et vous, vous en êtes ?

La seule bonne nouvelle dans tous ces posts ostentatoi­res (#retourauxr­acines, #querêverde­plus, #ressourçan­t) ? Ils indiquerai­ent, à en croire l'as de l'immobilier bobo Patrice Besse (il vend beaucoup en Normandie en ce moment), que ce qui a été un temps moqué comme la « France du vide » devient aujourd'hui la « France du luxe ». Le spot le plus chic pour se poser ces vacances ? Un corps de ferme rénové du XVIIIe siècle aux portes du parc naturel du Perche… Car, ces derniers temps, le même discours émerge des quatre coins du pays : nous allons (re)découvrir la France dans ce qu'elle a de plus authentiqu­e…

Selon Ronan Daniel de Topito (« les 11 signes qui trahissent le Parisien à la campagne », c'est lui), « ce discours est un peu forcé. Il s'agit d'essayer de trouver une bonne issue à quelque chose qui est une contrainte. Il y a un certain snobisme de la part des médias parisiens : ils ne peuvent pas s'empêcher de guider les Parisiens vers les spots les plus guindés de France. Comme s'il fallait apprendre aux locaux ce qu'il y avait à côté de chez eux ». C'est à se demander si nous, « les médias parisiens », nous ne serions pas maqués avec les offices du tourisme des différente­s régions, payés à ramener du Parisien blindax et prêt à s'émerveille­r face à un tronc d'arbre en état avancé de décomposit­ion…

Paradoxe : si les provinciau­x aiment pouvoir « rire du Parisien parce qu'il n'a plus de réseau et qu'il insiste pour savoir si les aubergines sont de saison, ils sont quand même contents de bénéficier de leur pouvoir d'achat », précise Ronan Daniel (un Breton installé dans l'Est parisien). « On ferait presque un documentai­re animalier pour dire “Venez voir le Parisien, c'est celui habillé en K-way !” ».

Et où se nichent-ils (à part dans les coins les plus pittoresqu­es de Bréhat-la-Tropicale dans les Côtesd'Armor) ? « N'importeoùq­uinefassep­astrop“Franceprof­onde”, il ne faut surtout pas vivre des vacances ennuyeuses à raconter », nous révèle le journalist­e (et grand dandy cycliste), Matthias Debureaux, auteur du jouissif De l'art d'ennuyer en racontant ses voyages (Allary Éditions, 2015). « Il ne faut pas minimiser le côté social du voyage. En revenant du Lot, c'est un peu plus compliqué de se vanter… On ne peut pas faire l'intéressan­t quand on revient de régions françaises désertique­s. Si je vous racontais mes journées en Beauce à vélo, vous raccrocher­iez dans la minute ! »

La solution ? On choisit plutôt de se poser à Cassis ou à l'Île de Ré, histoire de trouver les endroits les plus alléchants pour y faire sa story Insta'. (Un conseil : si jamais vous vous arrêtez à la grotte de Trabuc à Mialet ou au Chaîneau à Treigny pour y profiter de son spot d'observatio­n des étoiles, n'en parlez surtout pas autour de vous. En même temps, gardons ces destinatio­ns secrètes, nous ne voudrions pas qu'elles soient envahies par d'autres Parisiens…)

Has-been, Comporta (le petit village portugais so chic), les îles grecques ou Palaia en Toscane ? Jusqu'en 2021, oui. Les producteur­s télé ne se retrouvero­nt donc pas cet été à la terrasse Mosaico de Sifnos (l'île des Cyclades préférée des bobos). Pas non plus au Marenga Milk Bar à Mykonos. Et encore moins au Chiringuit­o de Formentera… Pour les (nous ?) retrouver, il faudra plutôt aller à Noirmoutie­r (au Café Noir, véritable repère des journalist­es en tongs) ou Chez Pierre à Arcachon (huîtres du cru et un bon verre de vin : 54 €)...

« Il règne dans ces hauts lieux une sorte de syndrome “Laurent Boyer”, poursuit Matthias Debureaux. Il y avait toujours le même reportage chaque année où sa grande fierté était d'aller à Noirmoutie­r et de parler aux marins pêcheurs comme pour se purifier de Paris. C'est complèteme­nt absurde. Et en même temps, c'est le grand truc parisien : vouloir se sentir adopté par l'autochtone ! »

Une certitude : vous trouverez partout des posts et des articles mettant en scène ces lieux au snobisme rustique. Entassés le long du canal Saint-Martin (Paris 10ème) à boire des binouzes entre potes ou déjà en train de siroter du Petit Chablis dans votre maison familiale de Beaune, vous n'échapperez pas aux nouvelles des compatriot­es partis se ressourcer à Trouville. Comme s'il fallait rendre la France à Paris le temps d'un été...

Envie de retrouver cette plage niçoise ? Prenez votre pied cet été à l'expo Parrathon dédiée à Martin Parr à la Frac Bretagne. © Martin Parr / Magnum Photos (979 €)

Vous ne pourrez pas faire claquer vos pantoufles sur les pavés de Formentera cette année mais bonne nouvelle : vous pourrez le faire à Saint-Tropez ! Voilà une paire à shopper de toute urgence pour une allure décontract­ée mais cossue, qui confirme à tous ceux qui s’aventurent à reluquer vos doigts de pieds que la boss de la tatane, c’est bien vous.(520€) (www.re-collective.eu, 62€)

 ??  ?? Structure en acier laqué. Revêtement en cuir. Bascules en bois. Dossier ajouré. Bref, l’accessoire idéal pour faire le vide sur la terrasse de votre petite maison de campagne. Pour le top du confort ? Buvez un petit thé matcha et lisez Marie Kondo. Tout ira mieux après ça.
Pour ne plus jamais pique-niquer comme avant, procurez-vous ce magnifique panel d’accessoire­s en inox. Le must-have ? Une gourde qu’on aurait même envie d’amener au restaurant. On peut dire que le thermos a parcouru un long chemin depuis sa création en l’an 1892… La notoriété après l’heure.
Structure en acier laqué. Revêtement en cuir. Bascules en bois. Dossier ajouré. Bref, l’accessoire idéal pour faire le vide sur la terrasse de votre petite maison de campagne. Pour le top du confort ? Buvez un petit thé matcha et lisez Marie Kondo. Tout ira mieux après ça. Pour ne plus jamais pique-niquer comme avant, procurez-vous ce magnifique panel d’accessoire­s en inox. Le must-have ? Une gourde qu’on aurait même envie d’amener au restaurant. On peut dire que le thermos a parcouru un long chemin depuis sa création en l’an 1892… La notoriété après l’heure.
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PARRATHON_

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