Avec ou sans gueule de bois ?
Rêvée sur les plages de Guéthary, la vodka bio des frères Beigbeder (Frédéric s’y connaît en verres et Charles en business) et de leur ami d’enfance le producteur Guillaume Rappeneau, promet de sauver la planète.
Il est onze heures dans les salons marbrés de l’hôtel de Bourrienne, ce sublime château caché en plein dixième arrondissement, abritant les start-up dans lesquelles le maître des lieux, Charles Beigbeder, a choisi d'investir. En ce mardi estival, une occasion spéciale, le lancement du Philtre Organic par nos trois têtes brûlées, j'ai nommé Frédéric Beigbeder, Charles son frère, et leur ami d'enfance, le producteur de docus Guillaume Rappeneau.
Le Philtre ? Une vodka made in France (elle est distillée à Cognac), bio (elle est élaborée à partir de l'eau de source de Gensac), sans aucun additif, ni sucre. Sans oublier le flacon, 100% recyclé. Une première. Nous sommes allés trinquer (modérément !) avec ce trio persuadé que « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, mais il n'a pas à l'être pour la planète »...
Messieurs, on vous connaît comme des piliers du collectif de noceurs parisiens, le Caca’s Club. Se lancer aujourd’hui dans la production d’une vodka organique, est-ce bien raisonnable ?
Frédéric Beigbeder : Ah ah ! Rien n'est raisonnable dans notre monde actuel... Sauf si on arrive à trouver un moyen d'être un « hédoniste responsable ». Oui, c'est un oxymore. Mais ce que l'on essaie de faire avec cette vodka, c'est de continuer à vivre sans dommage collatéraux. Voilà, c'est ça le Philtre.
Votre vodka sera vendue 49 euros...
Charles Beigbeder : Alors, on ne casse pas les prix, loin de là ! On est sur de l'ultra-premium, même assez cher, il faut le reconnaître. C'est un petit marché, même pas le million de bouteilles par an par rapport aux 5 milliards qui sont bues dans le monde. Nous, on aimerait prendre 1% de cette niche, d'ici quelques années. Enfin, on espère…
Et l’origine de ce Philtre ?
Guillaume Rappeneau : L'idée remonte à deux ans, au mois d'août 2020, sur la plage de Guéthary (Frédéric Beigbeder s'y est installé il y a plusieurs années, ndlr). On discute, on se lamente sur la société de consommation, rien de très nouveau jusque-là… Puis on se rend compte que l'on voudrait une vodka qui nous ressemble et que l'on a envie de boire. L'idée était lancée.
Et dans les faits, est-ce difficile de créer sa marque de spiritueux ?
manière de bosser.
Et lancer une vodka française, c’est difficile ?
C.B. : La France est admirée dans le monde entier pour la qualité de ses produits alimentaires, son vin et ses spiritueux. Pour info, les deux plus grandes vodkas au monde commercialisées sont faites à Cognac !
L’accueil des bartenders ?
G.R. : Ils sont très heureux que l'on arrive avec un produit nouveau, innovant, plutôt ludique et amusant. Aujourd'hui, on est dans des lieux très précis qui correspondent à notre image. L'idée ? Choisir des lieux avec une identité très forte, à l'image de la marque : premium. On a de la chance d'avoir réuni des actionnaires, des investisseurs, des amis qui ont mis assez d'argent pour faire des choses mais pas assez pour faire n'importe quoi – et surtout d'avoir les moyens de prendre notre temps !
C.B. : On est aussi sur le digital, sur un site marchand et on a lancé un partenariat avec une application, connue des millenials, qui s'appelle KOL. Donc on est disponible pour tous ceux qui le veulent sur le net.
Et quels sont les grands amateurs de vodka dans la littérature ?
C.B. : Joseph Kessel !
F.B. : Évidemment ! Kessel aimait beaucoup la vodka et finissait à manger les verres ! Mais ça, ce n'est pas très écolo… Il y a une longue histoire de la vodka et de l'alcool en général dans la littérature. On remonte à Baudelaire et son Enivrez-vous,« il faut toujours être ivre », que j'avais étudié au lycée Montaigne, ce qui avait scandalisé ma mère : « Mais que met-on dans la tête de ces jolies têtes blondes ? ». Eh bien le résultat, il est là, voilà ce que ça donne 40 ans après !
Et comment fait-on pour boire de façon mesurée ?
F.B. : On a trouvé une signature qui reprend la mention légale obligatoire : l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, il n'a pas besoin de l'être aussi pour la planète. Elle est mieux en anglais : « waste yourself, not the planet ».
Avec quelle personne aimeriez-vous trinquer au Philtre ? F.B : Kessel directement pour voir comment il faisait pour manger le verre, quelle était sa technique !
«Rebellez-vous contre le formel et le guindé» clamait Virgil Abloh sur ses réseaux sociaux. Habile. Le directeur artistique de Louis Vuitton prend ses propos à la lettre puisqu’il nous livre sans chichis cet été un sac pour ranger notre volley ball XXL. Vive le guindé ! À seulement 2 000 euros, vous ne l’avez pas encore acheté ?
(1950 €) 2 3
Quand l’art contemporain se marie avec l’effervescence du champagne... Les deux partagent un sens certain de leur propre valeur, de l’insolence et une place à part dans la culture mondiale. Chaque année, la maison Ruinart accueille un artiste dans ses vignobles à Reims pour y ajouter un peu de son univers. C’est au tour de David Shirgley de poser ses bagages, un artiste politique mondialement connu pour sa fine maîtrise de l’ironie.
Le monde de l’art se prend parfois trop au sérieux, pensez-vous que ce dernier ait besoin de plus d’humour ?
David Shrigley : Vouloir que l’art soit plus comique, c’est la meilleure recette pour créer quelque chose de très mauvais. L’art peut être tout et n’importe quoi. Plus généralement, la comédie est très importante dans nos vies, elle est même thérapeutique. La comédie et l’humour sont des choses sérieuses sous-estimées.
Quelle importance attachez-vous au contexte de vos oeuvres ?
C’est dur de faire de l’art politique, mais il est parfois difficile de canaliser sa colère. Vous ne pouvez pas dire « Fuck Boris Johnson », vous devez trouver quelque chose de plus fin, qui dit en quelque sorte « stop Boris please ». C’est le procédé qui fait l’oeuvre. Vous ne pouvez pas être en contrôle total de ce que vous dites.
Un dernier mot ?
À la vôtre !
Sa très riche collaboration avec la Maison Ruinart donne une centaine d’oeuvres inspirées par le fameux nectar et la forme culte de son flacon datant du XVIIIe siècle. À déguster à onze heures, midi ou même minuit, les coffrets créés en édition limitée par David Shrigley peuvent contenir à leur base une piscine de glaçons… Le cadeau parfait pour une garden party entre amateurs d’art ?
(3 500 € le coffret, www.ruinart.com)