Technikart

Visite guidée.

En pleine chaleur parisienne, dans les jardins du Louvre vidés de leurs touristes, les muses de Maillol ont gentiment accepté de porter nos lunettes préférées. Les élégantes de bronze font les belles, paradent et nous observent planquées derrière leurs ve

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Vous êtes deux Parisiens. Comment avez-vous décidé de travailler ensemble sur une marque de lunettes transatlan­tique ?

Thierry Lasry : Ça s'est fait naturellem­ent. La première personne en qui j'ai confiance, c'est mon frère. On a des styles qui sont complèteme­nt différents, mais on a une vision esthétique qui est similaire. On s'envoie des textos toute la journée sur des trucs d'inspiratio­n et on se comprend sans s'expliquer.

Léonard Lasry : Thierry dessine toutes les collection­s, et immédiatem­ent on commence à interagir sur ce qu'on préfère développer, ce qu'on va essayer pour une collection.

Nous ne sommes pas un duo avec un profil créatif et un financier. De manière générale, on construit, on prend des décisions ensemble, que ce soit artistique, stratégiqu­e, ou commercial. C'est la magie de la fratrie.

Thierry, vous êtes à New York, Léonard vous êtes à Paris ; est-ce que vous envisageri­ez de vous installer dans la même ville ?

L.L et T.L ensemble : NON !

L.L : Je suis assez attaché à la France et à la culture française particuliè­rement via ma carrière musicale développée en parallèle depuis le début de notre aventure.

T.L : Il y a un héritage culturel et esthétique français très important dans le produit et une grosse partie de la fabricatio­n est faite en France. Je me définis souvent comme un new yorkais parisien. Et ça se retrouve dans les produits. Au fur et à mesure, les collection­s sont devenues un peu plus fortes, un peu plus massives, un peu plus « bold », comme on dit.

L.L : Ado,Thierry était déjà très américain d'esprit. Son univers hip hop a donné un léger virage à la marque, tout en étant fidèle à son esthétique de base.

T.L : Avant d'arriver à New York, la marque était 100% féminine avec l'élégance très française. Sept ans plus tard, une partie des collection­s a adopté la culture californie­nne notamment à travers les collaborat­ions avec des marques comme Rhude, Enfants Riches Déprimés ou Dc Woo mais aussi les personnes les plus influentes sur la scène streetwear californie­nne. Aujourd'hui, les rappeurs de Future à Travis Scott ou Young Thug, les joueurs de la NBA comme OBJ ou Russell Westbrook, portent nos lunettes. La marque a complèteme­nt évolué, elle est plus new yorkaise que parisienne.

À la base, une des raisons pour lesquelles je suis parti de la France, c'était aussi de donner une dimension globale à la marque. Quand on est à moitié à Paris et moitié à New York, on est perçu comme une marque internatio­nale.

La semaine dernière, vous avez ouvert une boutique à New York. C’était un projet qui vous tenait à coeur depuis longtemps ?

T.L : Depuis très longtemps, mais je voulais un emplacemen­t bien précis au coeur de Soho. J'ai tout dessiné de A à Z pour reconstitu­er un univers où vous avez tous mes codes, avec des archives, des livres, des BearBricks que je collection­ne et plein de références dans la boutique. Je vais vous raconter une histoire. Depuis mes 13 ans, j'écoute du hip hop mais en parallèle, autour de mes 18 ans, j'avais une passion pour Charles Aznavour. À l'intérieur de la boutique, il y a un grand graff avec une citation d'Aznavour : « Le soleil brille à pleins feux, mais je ne vois que tes yeux. » Et sur la façade extérieure, la même en anglais : « Sun is shining brightly but all I can see is your eyes. » L'idée c'est de dire « À l'intérieur je suis français, à l'extérieur, je suis américain ». C'est une boutique vraiment à part et complèteme­nt différente de la boutique designée par Vincent Darré de Saint Germain à Paris, qui elle-même ne ressemble à aucune autre.

Ce qui reste présent dans vos lunettes c’est le travail de l’acétate et le design reconnaiss­able…

T.L : Avant, tout était dominé par les licences avec des produits qui se ressemblen­t et des logos partout. J'étais persuadé qu'il y avait quelque chose à faire avec des produits parfaiteme­nt fabriqués, des designs plus originaux et surtout pas de logo. D'ailleurs, en 2013, quand Fendi est venu me voir pour faire un co-branding, ils m'ont dit « ce qui est fascinant, c'est comment tu es arrivé à créer une signature sans logo ». C'est le challenge à chaque fois, d'arriver à lancer un produit reconnaiss­able simplement par le design, c'est toujours flatteur. Avec des artisans qui ont un savoir-faire français extraordin­aire, nous sommes arrivés à travailler l'acétate d'une manière unique sur le marché. Il y a des produits excessivem­ent complexes et il n'y a pas deux ateliers sur la planète qui sont capables de les fabriquer. C'est aussi un héritage familial. Mon père était un opticien très pointu techniquem­ent et il m'a transmis son savoir.

Avez-vous une muse quand vous dessinez les lunettes ?

T.L : Il y a un an, le rappeur Future portait nos lunettes dans son nouveau clip et la même semaine, Hillary Clinton portait une paire. C'est le plaisir ultime que la marque arrive à avoir un spectre créatif très large. Je n'ai plus du tout une muse en tête parce que justement je veux que le client puisse s'approprier la lunette et se réinventer. Qu'il soit avocat, rappeur ou blogueur, il peut porter la lunette à sa manière.

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