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JIM CARREY EST-IL VRAIMENT FOU ?

- JACQUES BRAUNSTEIN

La star comique évoque sa dépression dans un roman bluffant qui s’éloigne de l’autofictio­n pour plonger dans la satire grinçante d’Hollywood et la science-fiction apocalypti­que. Portrait de l’artiste en malade mental ou symptôme d’un monde qui part en vrille ? Explicatio­ns.

60 ans, 75 millions de dollars de revenus prévus en 2021, trois Golden Globes et pas la moindre nomination aux Oscars… Jim Carrey ne va pas bien, il passe son temps à s’apitoyer sur son sort et à enchaîner les documentai­res sur son écran géant, seul dans son manoir de Brentwood… C’est du moins ainsi que nous le découvrons dans Mémoires Flous, un roman qui revient sur le passage à vide qu’il a vécu à la fin des années 2010 – et qu’il co-signe avec le journalist­e Dana Vachon.

« Autrefois, nous étions des artistes. Nous étions purs ! Mais nous sommes tous devenus une distractio­n, nous nous sommes compromis pour être célèbres, pour vivre dans le confort, pour être

admirés par les inconnus. », affirme Carrey dans un monologue sentencieu­x. Grosse fatigue, déjà mise en scène dans le doc Jim & Andy : The Great Beyond et la série Kiddin en 2017.

On notera d'ailleurs qu'à chaque fois que Carrey a tenté des incursions dans un cinéma plus sérieux, il a joué avec l’idée de dédoubleme­nt de personnali­té et d’altération de la réalité : The Truman Show, Eternal Sunshine of the Spotless Mind… Alors que beaucoup des plus grands succès comiques de l’amuseur au visage élastique provoquent un étrange malaise : Disjoncté, Fou d’Irène, Yes Man…

On sait également que Jim Carrey va désormais incarner Jo Biden dans le « Saturday Night Life », institutio­n comique du réseau NBC dont on apprend dans le livre, ironie du sort, qu’il a loupé le casting au début des années 1980. Un retour aux fondamenta­ux visant à fissurer un peu plus la tour d’ivoire dans laquelle il s’est enfermé ? Dans le roman, il se prépare à jouer dans un film où il serait la réincarnat­ion de Mao. Le rôle « bigger than life » qui devrait enfin lui accorder le statut auquel il aspire. « Il se vit lors de la future cérémonie des Oscars, vêtu d’un élégant smoking Armani avec des revers étroits (il aurait perdu dix kilos d’ici là), sous les regards admiratifs du monde entier… » Mais ses agents préférerai­ent qu’il accepte un blockbuste­r inspiré du jouet Play-Doh Fun Factory. Une manière de moquer son dernier rôle bankable dans Sonic, le film ?

FIGHT CLUB À BRENTWOOD

Le roman alterne la dénonciati­on du système hollywoodi­en dans lequel il admet se vautrer, les souvenirs saisissant­s de son enfance pauvre au Canada ou de ses débuts laborieux sur les planches… Et les portraits au vitriol de stars qu’il connaît bien comme Nicolas Cage « mon ADN, il n’est pas comme les autres

ADN. Les gènes des Coppola sont différents. », Gwyneth Paltrow « chaussée de talons à mille dollars » ou Sean Penn « plissant les yeux pour se protéger de la fumée de la Camel suspendue à ses lèvres. »

Le tout a la nervosité des livres de Chuck Palahniuk. C’est une sorte de Fight Club sur les collines de Los Angeles. Alors que la dernière partie qui évoque C’est la fin, la pochade apocalypti­que signée Seth Rogen, est sans doute un peu moins convaincan­te. Comme si le livre fonctionna­it à la manière du monde qui y est décrit et que son auteur-acteur était finalement rattrapé par la matrice : obligé à transforme­r cette oeuvre sincère en superprodu­ction efficace. Imparable !

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