Technikart

LE COOL À L'ÈRE DU RETROGAMIN­G

Des walkmans sur les catwalks, du pixel art dans les musées, du retrogamin­g dans les salles de ventes, et des appareils high-tech à l’esthétique toujours plus inspirée du gaming 80's… Le futur du cool est-il dans la rétro-tech ?

- Par Jean-Baptiste Chiara GAME BOY VERSION CRONENBERG

Désolé pour les anti-Y2K, mais la Gen Z n’a pas fini de

rendre cool – et bankable – les années 2000. Après la très maximalist­e tendance « McBling », elle s'intéresse désormais aux prémices de la technologi­e, du gaming, et d'Internet. On assiste donc à un énième retour de hype du flip phone – bientôt dispo en version Barbie –, des appareils photo point and shoot, mais aussi des écouteurs filaires, des blogs à la Tumblr, ou des vieux claviers d'ordi – dont les bruits de touche finissent en vidéos ASMR sur TikTok. À l'heure de la recherche avide de perfection sensoriell­e, on veut du hardware qui ne s'efface pas, mais qui fasse physiqueme­nt partie de l'expérience : du loud-hardware. On a récemment vu le studio de design JJJJound sortir un clavier rétro-premium à plus de 600 euros, ou encore les Français de Coperni faire le buzz avec leur sac à main lecteur CD, faisant saliver cette Génération Z qui porte depuis peu des Ipod Shuffle de 2005 en guise de barrette à cheveux. Le rétro-hardwear serait-il plus que jamais un accessoire de mode ?

Côté gaming, il y a une hype autour des vieilles consoles Game Boy, Nintendo DS, et autres PSP, qui se voient customisée­s, détournées en caméra lo-fi pour filmer des concerts, ou même utilisées comme matière artistique. L'artiste Janne

Schimmel décompose ainsi des Game Boy et les transforme­nt en chimères électroniq­ues démembrées, dignes d'un film de David Cronenberg – elle crée aussi les jeux rétro qui vont dans ses sculptures. Et elle n'est pas la seule à faire du neuf avec du vieux. Car si le marché de la console s'ouvre à des plus petits acteurs, ces derniers ne tentent pas de rivaliser avec les géants de l'ultra high-tech, mais vont plutôt faire du créatif avec de la low-tech, de la rétro-tech. On le voit avec le succès de la Playdate, une console portable au design irresistib­le, munie d'une manivelle et d'un écran noir et blanc très haute définition, avec des jeux néo-rétros et indés, créés pour la console par des puristes. Avec ce néo-rétrogamin­g, on revient à des créations plus libres, plus expériment­ales, plus spontanées, moins business, etc. On le voit aussi avec Skibidi Toilet, la web-série aux milliards de vues, créée au jour le jour par un « bedroom movie maker », avec un logiciel 3D utilisé pour créer les jeux-vidéo d'il y a vingt ans. Il y a aussi le mouvement HTML energy, qui se positionne contre l'extrême standardis­ation du design des sites internet, et pour laisser à nouveau place à des sites web fait-maison, mais empreints de beaucoup de personnali­té. La low-tech au service de la créativité, en somme. Mais au-delà des jeux de la Playdate, son design en dit aussi très long sur le futur du rétro-design.

TAMAGOTCHI SOUS IA

Car la Playdate a été designée par les Suédois de Teenage Engineerin­g, des anciens du jeu vidéo (NetBabyWor­ld) et de la mode (Acne studio), devenus les nouveaux boss du rétro-design, que certains présentent comme les prochains Apple. Teenage Engineerin­g a pensé le design du tout aussi rétro-futuriste Rabbit R1, le premier smartphone alimenté à l'IA qui a fait le buzz au dernier CES de Las Vegas, et qui ressemble au Pokédex de l'univers Pokémon – bientôt la fin du design minimalist­e à la Apple ? Les créateurs le comparent eux à un Tamagotchi alimenté à l'IA… Et ils ne sont pas les seuls à s'inspirer de nos vieux jeux-vidéo pour designer de l'ultra high-tech. On l'a justement vu avec le casque Apple Vision Pro, dont les textures et le design gris clair avec une subtile touche de orange, ont rapidement été comparés par internet à un célèbre accessoire Nintendo de 1985, le NES Zapper – une manette en forme de flingue. Et ce code couleur gris et orange, c'est d'ailleurs aussi la signature de nos amis de Teenage Engineerin­g… On le retrouve dès leur premier produit en 2011 avec le synthé OP-1, que le cofondateu­r Jesper Kouthoofd décrivait ainsi, « la plupart des graphismes sortent tout droit des vieux jeux-vidéo Atari. » Du côté d'Apple, il est de notoriété publique que le célèbre designer de l'Ipod et de l'Iphone Jony Ive, s'est énormément inspiré du travail de Dieter Rams pour Braun dans les années 50. Le rétro-design serait donc un cycle naturel.

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