Charles Aznavour : hommage au géant de la chanson française 10 chansons cultures en images
Il a traversé ses soixantedix ans de carrière avec une totale modernité. C’est sûrement pour cela que Charles Aznavour, disparu le 1er octobre à 94 ans, plus que bien d’autres légendes de la chanson française, restera éternel.
“MON COEUR BATTAIT À LA CHAMADE À CHAQUE FOIS QUE J’AI PARTAGER UN DUO AVEC VOUS, MONSIEUR AZNAVOUR ” NOLWENN LEROY
Je ne suis pas vieux, je suis âgé, ce n’est pas pareil » disait-il. Avec lucidité d’ailleurs, signe qu’il savait cultiver une certaine jeunesse d’esprit et de goûts, ainsi qu’une impérieuse envie de se renouveler. Son ascension dans les années 1950 était le signe que quelque chose était alors en train de changer dans la société. Sa taille, son allure, sa voix : tout était nouveau, inédit même. Il s’imposait aux yeux des spectateurs et aux oreilles des auditeurs avec une totale modernité. Ce qui lui a valu de redoutables critiques. « L’enroué vers l’or », « Nabot », « Toulouse-Lautrec de la chanson », « Petite Callas mitée », « L’aphonie des grandeurs » , ou encore « Aznovoice » pour la presse anglaise : rien ne lui était épargné. De ses faiblesses supposées, il a fait des forces qui lui ont permis de résister. Cette hostilité, ce fils d’immigrés arméniens a su la gérer… en passant outre.
« Chez nous, survivre est une habitude » , disait- il. De cette période- là est née sa compassion, son indulgence pour les plus jeunes. Si dans les années 2000, on le voyait si souvent chanter avec les candidats de Star Academy sur TF1, c’est parce qu’il avait foi en la jeunesse et qu’il se sentait bien avec elle. « Mon coeur battait la chamade à chaque fois que j’ai eu la chance et l’honneur de partager un duo avec vous, monsieur Aznavour… Je n’oublierai jamais » confie Nolwenn Leroy. Sofia Essaïdi et Élodie Frégé, avec qui il avait également chanté, pourraient en dire tout autant. Certains rappeurs revendiquent son influence. Charles Aznavour qualifiait lui-même ces artistes de « dignes héritiers des poètes » . Il a ainsi collaboré avec Kery James sur À l’ombre du Show Business en 2008, puis avec Grand Corps Malade en 2015 sur Tu es donc j’apprends. Cette volonté de s’ancrer dans l’époque allait jusqu’à ne vouloir chanter sur scène que ses nouveaux titres, quitte à frustrer son public. Seul le futur l’intéressait. Son côté novateur, il l’avait également développé sur scène. « Quand je l’ai vu au Carnegie
Hall en 1963, il m’a époustouflé » , confiait Bob Dylan. En public, il se démarquait en racontant des histoires entre les chansons. Une attitude inspirée des shows de Las Vegas. Très originale aussi, sa manie de trouver un geste par chanson, comme quand il agitait un mouchoir sur La bohème ou quand il battait le rythme avec sa main gauche sur Emmenez- moi. « Il a cassé tous les codes. Il est arrivé avec une personnalité incroyable » ,
souligne le chanteur Calogero. Sa modernité, il l’a également exprimée à travers ses chansons. « Il a abordé des thèmes sociaux extrêmement importants à une époque où les chanteurs
chantaient des amourettes » , selon Benjamin Biolay. Comme
ils disent, en 1972, était ainsi la première chanson en France à aborder le thème de l’homosexualité avec empathie. Dans Après
l’amour, en 1955, il évoquait un couple encore au lit. Trop érotique, la chanson fut immédiatement censurée. Interdite aussi Je veux te dire adieu écrite, avec
Gilbert Bécaud en 1956, qui traitait d’un adultère. Tu t’laisses aller en 1960 fut censurée en Allemagne car jugée trop misogyne. Mourir d’aimer en 1971, inspirée par l’affaire Gabrielle Russier, cette enseignante qui s’était suicidée après avoir eu une relation avec un élève mineur, fit grand bruit. Charles Aznavour aura su bousculer l’ordre établi et s’engager. Et c’est l’une des raisons pour laquelle il va nous éperdument nous manquer.