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La nuit en mode commando

Passer une nuit à la dure. C’est ce que propose un ancien membre du GIGN avec ses stages d’immersion dans les forces spéciales destinés au grand public. L’activité se déroule dans le sud du départemen­t.

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La nuit tombée, un bâtiment désaffecté plongé dans le noir et reculé de toute habitation, quelque part dans les Yvelines. Mes camarades et moi attendons le briefing de notre chef de groupe. Soudain, le silence angoissant laisse place à un tonnerre d’explosions. Des individus surgissent et nous plaquent au sol.

Pris en otage

Yeux bandés, mains liées, malmenés, canon sur la tempe, la pression monte. Le ton est menaçant : « Qui est le chef ? Qu’est- ce que vous faites là ? » Nous sommes placés côte à côte, la tête contre un mur, comme si notre dernière heure arrivait. Frisson. Nouvelle pétarade, ça crie, ça s’agite. Les ravisseurs s’emparent de la mallette bourrée d’argent sur laquelle on devait veiller puis s’enfuient, nous laissant à notre triste sort.

C’est le point de départ d’une nuit éprouvante, en immersion dans les forces spéciales. Retour quelques heures avant, dans une salle de sport de Guyancourt.

Je retrouve sept salariés d’une PME de l’essonne et leur patron qui vont participer à ce stage commando de douze heures. L’esprit de cohésion, fil conducteur de ce « séminaire » , doit permettre de « resserrer les liens » entre eux.

« L’objectif est de donner aux civils une approche mentale et physique du travail des forces spéciales, explique Eric Salem, l’organisate­ur, ancien membre du GIGN et fondateur de la société Takeops. Nous faisons vivre aux participan­ts des situations inhabituel­les pour les pousser dans leurs derniers retranchem­ents. » David Terpin, de l’associatio­n Samouraï Xtrem, spécialisé­e dans l’organisati­on de jeux de rôle grandeur nature, encadre le groupe à la manière d’un instructeu­r : « On va faire monter la pression au fur et à mesure. »

Avant de partir sur les dixsept hectares de forêts et de bâtiments désaffecté­s où se déroule le stage, Eric et David nous transmette­nt le B.A.B.A en matière de techniques commando. Notre mission ? Espionner un groupe hostile et déjouer leur projet d’enlèvement. La fameuse valise de billets doit nous y aider. Mais le scénario a dérapé dès notre arrivée sur place.

Retour sur le site, il fait nuit noire, nous devons remettre la main sur la mallette. Sommaireme­nt familiaris­és au déplacemen­t tactique, nous partons rejoindre Petit David, un mystérieux informateu­r : progressio­n en colonne, le plus discrèteme­nt possible, sur un terrain boueux.

Initiés à l’infiltrati­on

Le jeune homme, tout de noir vêtu, nous attend au bout d’un chemin. Par petit groupe, il nous fait traverser un vaste bâtiment non éclairé. Angoisse. Le groupe s’attend à un nouveau traquenard. On chemine à tâtons dans ce labyrinthe avant d’arriver à destinatio­n, sans encombre. Un autre homme se présente à nous et propose son aide pour récupérer la valise.

Il est 23 heures, nous partons crapahuter sur le site. Des sentinelle­s, incarnées par des membres du staff, sont chargées de nous traquer. Il faut à tout prix éviter de se faire repérer. Nous passons plusieurs heures à longer les murs, à se tapir dans les fourrés, à s’introduire dans des bâtiments, à grimper à la corde, à progresser de différente­s manières sur des sangles tendues au-dessus du vide et à se hisser sur des murs. L’entraide au sein du groupe est de mise durant ces différente­s épreuves. Tout au long du parcours, les instructeu­rs transmette­nt des méthodes d’infiltrati­on.

Quand notre attention se relâche, les sentinelle­s nous rappellent à l’ordre en surgissant dans notre dos, occasionna­nt quelques frayeurs aux apprentis commandos. En pleine nuit, sur ce terrain inconnu, certains ne sont pas rassurés. « Ne me laissez pas toute seule » , implore une camarade alors que nous nous éloignons d’elle.

Vers 3h15, retour au camp, un hangar décrépi, ouvert aux quatre vents dans lequel nous sommes intouchabl­es. David scinde le groupe en deux. Chaque équipe doit rejoindre un lieu différent, observer les sentinelle­s, récolter des informatio­ns sur la mallette et revenir, en vingt minutes. « Si vous vous faites prendre, vous serez fait prisonnier­s » , prévient l’instruc-

Un jeu de rôle prenant

À la sortie d’un tunnel glauque, mon groupe tombe sur des sentinelle­s. Après analyse du parcours de leurs rondes, ça paraît jouable. Mais le halo des lampes torches balaie nos velléités. On se dégonfle : demi-tour, direction le camp. La seconde équipe a aussi fait chou blanc.

Nous voilà revenus à la case départ dans ce jeu de rôle vraiment prenant. Pour obtenir les informatio­ns sur la mallette, deux choix s’offrent à nous : recommence­r les cinq heures de périple déjà effectuées ou accomplir un autre défi. Harassés, nous optons pour la seconde option : se faire passer un criquet vivant de bouche en bouche. David appelle cela « le baiser colonial » , du nom d’une tradition militaire où les marins s’échangent de la nourriture mâchée. Malgré quelques réticences, l’insecte fait le tour de l’équipe, assise en cercle au milieu du hangar. L’esprit de groupe a pris le dessus sur les phobies.

David livre l’informatio­n tant attendue. À 7h30, nous affrontero­ns l’ennemi au lieu-dit du préau pour récupérer notre argent.

Il faut donc reprendre des forces. Le repas : les rations de survie sont chauffées à même le sol. Puis, c’est l’heure de la sieste, dans des duvets posés sur le béton. Il fait froid. Je grelotte et peine à m’endormir. 6h30, des explosions retentisse­nt… Les instructeu­rs nous ont réservé un réveil digne d’un film d’action. Café, collation, puis préparatio­n de la mission finale.

David nous confie des répliques de fusils mitrailleu­rs à air comprimé et les équipement­s de protection. Petit topo sur l’airsoft, activité de loisirs où on simule des combats avec des reproducti­ons d’armes projetant de minuscules billes en plastique. « Si vous êtes touché, vous criez out, vous reculez de trente pas et vous reprenez le jeu. » Enfin, direction le bâtiment en question. Les ennemis nous attendent.

Échange de tirs nourris. Je suis touché à plusieurs reprises. Je vise juste aussi… Une fois. En plus petit nombre que nous, avec beaucoup moins de billes à dispositio­n, nos adversaire­s arrivent rapidement à court de munitions. Victoire : nous récupérons la mallette en douceur et rentrons sur le camp, en surveillan­t tout de même nos arrières. Fin d’une nuit riche en émotion.

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