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Le régisseur du centre de football s’en va
Durant 29 ans, Alain Colombier a été le régisseur du centre technique de Clairefontaine. Il livre quelques confidences sur ces années où Clairefontaine est devenu le temple du foot français.
Quand Alain Colombier arrive en mai 1988 à Clairefontaine au domaine de Montjoye, il ne
connaît rien au football. « J’étais de la Caisse des dépôts et consignations. J’ai été nommé comme régisseur chargé de la gestion et de l’exploitation. Je devais rester deux ans. J’y suis resté 29 ans… », se souvient ce Normand modeste et fin.
Il assistera à l’inauguration du centre le 11 juin 1988 par le président François Mitterrand et Fernand Sastre, président de la Fédération française de football, qui plantera ce jour-là un chêne, symbole de la longévité espérée de ce premier centre technique national de football. Une destinée et une gloire qu’alain Colombier accompagnera en veillant à l’accueil des joueurs sur presque trois générations.
Les débuts, il s’en souvient comme hier. À l’époque, le football n’avait pas la dimension qu’il a aujourd’hui. « En 1988, quand l’équipe de France est venue pour la première fois, nous avions organisé un dîner pour les joueurs dans la salle qui porte aujourd’hui le nom d’aimé Jacquet. En m’adressant à un joueur, moi qui n’y connaissais rien au football, j’avais demandé s’il était un nouveau. Il m’avait répondu, oui, j’ai quarante-sept sélections ! Et à chaque fois qu’il venait à Clairefontaine, le joueur dont je tairais le nom, me rappelait avec le sourire ses nombreuses sélections en équipe de France. »
Depuis, pour les joueurs, Alain Colombier fera tout dans la grande maison qu’est Claire
fontaine. « Pour faire tourner cette boutique, il faut avoir l’oeil partout, satisfaire à leurs demandes pour que leur séjour se passe le mieux possible. C’est s’occuper de la sécurité, des installations sportives. L’essentiel est qu’ils mangent bien et dorment bien d’où l’importance d’avoir un bon lit » , résume Alain Colombier.
Mais un régisseur à Clairefontaine doit être multicarte, sur le qui-vive, faire face à tous les imprévus : « C’est intervenir auprès des administrations quand les joueurs ont perdu leur passeport pour les faire au plus vite. » . Ainsi, parfois, la majorité des joueurs étaient domiciliés administrativement à
Clairefontaine. « Et quand l’ensemble des 29 joueurs ont été faits chevaliers de la Légion d’honneur, il s’est trouvé que le village de 800 habitants avait un taux de membres de la Légion d’honneur sur son territoire bien supérieur à la moyenne nationale ! » Car bien sûr, le régisseur a vécu les plus beaux moments de sa vie, en 1998 avec l’équipe championne du monde. « Le retour dans les salons du château, c’était l’apothéose quand les joueurs ont fait la fête avec leurs familles. Nous avions fait tirer un feu d’artifice pour l’occasion. » . De cette époque faste, Alain Colombier garde une grande admiration pour des hommes comme Aimé Jacquet ou Zi
nedine Zidane. « Le personnel appréciait Aimé Jacquet. Les jardiniers étaient reconnaissants auprès du sélectionneur qui leur demandait des travaux et avait le souci du détail, mais remerciait toujours. Un homme extrêmement humain.»
Alain Colombier a aussi un très grand respect pour Zidane : « Par son regard, il fait de vous un complice, hypnotise. Vous ne pouvez pas lui résister. C’est aussi un homme d’une extrême politesse. » Mais la plus grande compli- cité, Alain Colombier la partage avec Thierry Henry, l’un des champions du monde de 1998 et aujourd’hui journaliste en Grande-bretagne. Les deux hommes ont fait une grande partie de leur carrière à Clairefontaine. « Quand il est revenu à Clairefontaine dernièrement pour un reportage pour la BBC, il m’a rendu un très bel hommage. On est de ceux qui avons fait le plus de nuits au château de Clairefontaine. Il a été formé et a été stagiaire au château de 16 à 19 ans (au sein de L’INF Institut
national de football) » , avant de revenir en tant que Bleu puis champion du monde.
Les souvenirs d’alain Colombier pourraient composer un livre, mais discret, il n’en dira pas plus. Si, ce jour où il a accueilli le président de la République, Nicolas Sarkozy qui avait souhaité faire une halte en toute sécurité à Clairefontaine et rencontrer les Bleus. Une vie mouvementée pour un homme posé mais vif.
Alain Colombier n’a eu de cesse d’être aux petits soins des nouveaux Bleus. Pour l’euro 2016, il a encore été inventif : « Les joueurs voulaient que le château soit vivant à leur retour de match. Ils avaient des souvenirs de fête après chaque match au Brésil. C’est pourquoi nous avons imaginé une haie d’honneur de tout le personnel, une trentaine de personnes, et ses arcs lumineux pour les accueillir après chaque match » , raconte Alain Colombier.
Avec son épouse, il quitte Clairefontaine où il a vécu durant 19 ans, où sa fille a grandi. « Elle avait 10 ans en 1998. Elle aussi s’en souviendra toujours » , confie-t-il avant de quitter le château, témoin de l’histoire du foot français.
« Je ne connaissais rien au foot » « Faire tourner la boutique »