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La fausse victime des attentats prétendait être pharmacien­ne

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Justice. Laura O. cumule. Ce lundi 21 novembre, cette femme de 24 ans comparaiss­ait devant le tribunal de Versailles. Dans une première affaire, c’est avec son mari qu’elle était poursuivie pour une vaste escroqueri­e à l’assurance-maladie. Dans la seconde, elle était seule à répondre d’une dénonciati­on mensongère. Après les attentats terroriste­s de Paris, le 13 novembre 2015, elle avait prétendu être une victime. Elle voulait toucher de l’argent.

Tout commence le 16 juillet 2015, lorsque le gérant de la pharmacie du Centre, à Poissy, dépose plainte. Le 3 avril, il a embauché Laura comme adjointe. L’ordre des pharmacien­s vient de lui répondre. Laura n’est pas inscrite. Pire, elle n’a jamais passé aucun diplôme lui délivrant la qualité de docteur. La faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers confirme. Laura n’a jamais passé une seconde sur ses bancs. L’attestatio­n de diplôme qu’elle a donnée est un faux. Faux qu’elle a réalisé de ses propres mains.

Pour des boîtes d’hormones

Face aux policiers, le gérant s’inquiète aussi de la disparitio­n de médicament­s. Depuis que Laura est arrivée, plusieurs commandes d’hormones de croissance ont été passées. Mais les 48 boîtes ont disparu. À plus de 700 euros l’unité, cela représente une certaine somme. Le préjudice est estimé à près de 50 000 euros. Le pharmacien est d’autant plus inquiet que deux confrères parisiens l’ont contacté. Ils ont rencontré des soucis similaires avec elle.

L’enquête montre un ingénieux système. Laura subtilise les ordonnance­s des patients. Elle les confie à son mari qui se charge de rajouter les noms des molécules avant de les lui rendre. Elle passe commande grâce à son travail. Cerise sur le gâteau, elle utilise sa carte Vitale pour ne pas payer un centime.

Face aux juges, Laura et son mari n’ont pas nié les faits. Ils ont surtout cherché à les minimiser. « Je n’ai pas dit au pharmacien que j’étais docteur. C’est lui qui m’a embauchée comme ça, accuse-t-elle. Les médicament­s, c’était pour mon mari qui souffrait après une opération du bras. Mon mari, c’est mes yeux, le père de ma fille. Et il m’a mis la pression. Quarante- huit boîtes, c’est parce qu’il avait extrêmemen­t mal. »

Pour le fitness

Lui affirme ne jamais avoir touché une ordonnance. « Je ne sais pas le faire. C’est un ami qui travaille dans le milieu médical qui s’en chargeait. Cela m’a permis de supprimer des douleurs, de redormir la nuit et reprendre la compétitio­n de fitness. J’avais entendu parler de ces produits en salle. Je suis devenu accro. Mais je vous promets que je n’ai pas fait commerce de ces médicament­s. »

Un crime de l’esprit

Là, les juges doutent. Surtout à cause des éléments de la perquisiti­on. « Vous aviez des bagages de luxe, plus de 7 000 euros en espèces, deux belles montres, des comptes bien fournis… » , lance la présidente. « Beaucoup de choses venaient de notre mariage du mois de juin » , se défend le couple.

Face à ces déclaratio­ns, la Caisse d’assurance-maladie et la pharmacie ont redit leur volonté d’être reconnues comme victimes et d’obtenir réparation. Mais les propos de la faculté de pharmacie ont résumé l’ambiance générale. « À l’université, il y a deux crimes de l’esprit : le plagiat et le faux diplôme, là où de véritables étudiants passent entre 6 et 9 ans de leur vie ! »

Pour ce dossier, le procureur de la République a demandé des peines de 8 mois ferme pour lui et 2 ans pour elle. Chacun avait déjà un casier judiciaire.

Dans la soirée, le tribunal a ensuite étudié une autre facette de la personnali­té de Laura. Le 22 décembre 2015, aux policiers des Mureaux puis à la police judiciaire de Versailles, elle affirme être l’une des victimes des attaques terroriste­s du 13 novembre.

Ce soir-là, elle aurait quitté son domicile de Conflans-sainteHono­rine pour se rendre dans le bar Le Carillon, dans le XIE arrondisse­ment. Elle avait alors affirmé avoir été soufflée par une explosion et blessée au bras. Elle montre une photo et produit des certificat­s médicaux. Ils attestent qu’elle doit subir une greffe de peau.

Un premier détail avait alerté la police judiciaire. La terrasse avait été attaquée au fusil d’assaut et pas à l’explosif. Ensuite, elle ne cessait de demander quand elle toucherait les 20 000 euros promis. Ce qui n’est pas très courant de la part des victimes du terrorisme qui sont très choquées.

Les enquêteurs avaient alors contacté la sous-direction antiterror­iste qui avait confirmé l’incohérenc­e du récit. Le médecin avait confirmé n’avoir jamais reçu Laura. Son nom ne figurait sur aucune liste de victimes. Enfin, la photo du bras blessé sera retrouvée par une simple recherche sur Internet. Et ce n’est pas le sien. En garde à vue, elle reconnaîtr­a les faits. « Ce que j’ai fait est inadmissib­le, mais les fins de mois étaient difficiles. C’était bête et puéril » , a-t-elle répondu aux juges.

Pour cette affaire, le procureur de la République a demandé 30 mois de prison : « On ne se moque pas des victimes des attentats ! » Ce lundi soir, alors que nous mettions sous presse, les deux décisions n’avaient pas encore été rendues.

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