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Cinéma Le Vox : c’est leur dernière séance
« J’avais 29 ans quand je suis arrivée. 29 ans après, je
repars. » La boucle est bouclée pour Claire Leluc Derouin et son mari, Didier Derouin. Ce jeudi 30 novembre, à 20h30, ils assisteront à leur dernière séance dans le cinéma d’art et essai Vox en tant que responsables.
Ils quittent également leurs deux autres établissements, le Central Cinéma (Gif-sur-yvette) et le Normandy (Vaucresson). Un choix qu’ils ont fait après deux années difficiles dans leur vie personnelle et professionnelle.
« Le cinéma, c’est incomparable »
L’aventure de Claire Leluc Derouin commence en 1988, lorsqu’ugc ferme les portes du seul cinéma de la ville, au grand désespoir des habitants. À cette époque le maire de Rambouillet, Gérard Larcher fait appel à Patrick Chaperon, de l’association Département cinéma, pour trouver une solution.
Le cinéphile avait rencontré Claire Leluc Derouin au Nickel de Rambouillet grâce à la troupe de théâtre dont elle faisait partie. Il lui propose de reprendre le Vox avec lui. Ni une, ni deux, l’éducatrice spécialisée démissionne et se consacre à plein-temps au cinéma.
Didier Derouin rejoint l’équipe en 1989 et, après son CAP, devient projectionniste. Depuis son
poste, l’ancien technicien SNCF assiste à l’évolution des techniques : « Quand on a transformé le son pour du Showmax, on diffusait Cliffhanger. C’était tellement réaliste que les gens ont pensé qu’il pleuvait vraiment. J’entendais des spectateurs dire ’C’est le déluge dehors, on a bien fait de prendre un parapluie !’ »
« Le cinéma, c’est incomparable, on se retrouve avec des inconnus à rire, à pleurer ou à suffoquer ensemble. » Une particularité qui a toujours charmé Claire Leluc Derouin. Cette dernière ressortira bouleversée de la projection des
Rivières Pourpres, film sorti en 2000. Alors attendue pour s’occuper de la caisse, elle accueille les spectateurs en larmes. « Je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer, tout le monde me demandait ce qu’il se passait. » Le couple de passionnés garde énormément de souvenirs de leurs 29 années dans le cinéma rambolitain mais s’accorde sur deux mots, essentiels selon eux, liens et rencontres.
Jean Rochefort, Guillaume Canet, Yves Robert…
Avec les spectateurs d’abord, avec qui ils finissent par tisser des
affinités. « Pour certains films, on connaissait les gens, on leur donnait des mouchoirs à l’entrée », s’amuse Didier Derouin.
Les Instants à part du petit cinéma permettent également d’inviter des comédiens et des réalisateurs renommés. Parmi eux, Jean Rochefort, Yves Robert ou encore Guillaume Canet. Des rencontres avec des grands noms du cinéma lors desquelles le couple doit s’occuper de l’hébergement et du transport : « Parfois l’hôtel, c’était chez nous ! » Pour partager son engouement avec le plus grand nombre, Claire Leluc Derouin travaille avec des professeurs et organise des sorties et des échanges autour du cinéma. Des moments qui amènent, eux aussi, leur lot d’anecdotes. À une projection du film coréen Jiburo, l’histoire d’un petit garçon qui rencontre sa grand-mère pour la première fois, les enfants ont été encouragés à inviter leur « mamie de coeur ». La directrice se remémore « d’un moment d’émotion et de partage. »
Un livre souvenir
Malgré le rachat, en 2015, de leur société d’exploitation les Vrais instants de l’image par la société C2L, le cinéma rambolitain est resté selon le couple « une extension de notre
maison ». Ce dernier fermera néanmoins ses portes l’année prochaine pour permettre la construction d’un multiplexe doté de cinq salles en lieu et place.
Alors, pour rendre hommage au septième art, au Vox et à ses nombreux souvenirs, Claire Leluc Derouin et la biographe Martine Debiesse se sont associées pour le livre Derrière le rideau rouge. Une façon de garder en mémoire ce bâtiment et ce pari, peut-être un peu fou à l’époque, de faire revivre un cinéma de quartier.