Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)
Doisneau immortalise l’intimité des stars
Ses années Vogue en expo à Versailles
« Son coeur était à gauche » « Une curiosité insatiable » « Des trésors »
« Pendant deux ans, j’étais le fils du jardinier invité à partager les jeux des enfants du château à condition d’apporter sur le beau monde un regard neuf et une vivacité de
dénicheur. » Voilà ce que ressentait Robert Doisneau lors de ses deux années passées à travailler pour le magazine Vogue. Les clichés pris à l’occasion de ce contrat sont présentés à la chapelle Richaud dans une exposition intitulée Robert Doisneau, les années Vogue. Un pan du travail du photographe méconnu mais qui l’a pourtant occupé plusieurs années, d’abord sous contrat puis en free-lance, de 1949 aux années soixante. « Ce n’était pas le monde de mon père, confirme Annette Doisneau, qui tient aujourd’hui l’atelier Robert Doisneau à Montrouge, aux côtés de sa soeur Francine. Mais grâce à ce contrat avec Vogue, il a fait une rencontre heureuse : Edmonde Charles-roux. Au théâtre, au cinéma, aux Halles, elle l’accompagnait partout ! »
En 1949, Michel de Brunhoff, qui dirige le magazine Vogue, passe un contrat d’exclusivité avec Robert Doisneau pour une durée de trois ans. Le photographe couvrira l’actualité mondaine, fera quelques photos de mode et réalisera des reportages pour raconter la vie en France, accompagné d’edmonde Charles- Roux, devenue sa rédactrice attitrée. Leur complicité est grande mais la vie de photographe mondain ne convient pas à Robert Doisneau qui reprend sa liberté à l’échéance du contrat. Edmonde Charles-roux, devenue rédactrice en chef du titre, Robert Doisneau continuera pourtant à réaliser jusque dans les années soixante des prises de vue pour Vogue. « Son coeur était à gauche, confirme Fran
cine Deroudille. Même lorsqu’il était très connu, quand le journal La Vie ouvrière faisait appel à lui, pour l’occupation d’une usine par exemple, il y allait. C’était sa priorité absolue. Toute sa vie a tourné autour de la photographie. »
Sa maison, place Jules-ferry à Montrouge, a d’ailleurs très vite été transformée en atelier. Les filles de Robert Doisneau ne pouvaient ainsi prendre des bains que le week-end, le reste de la semaine, la salle de bains était occupée par les négatifs. Ou ces matins où Francine se souvient d’avoir dû enjamber certaines marches de l’escalier, car des photos y séchaient…
Aujourd’hui, ce sont ses deux filles qui y travaillent, organisant régulièrement des expositions à travers le monde pour diffuser le travail de cet « artisan à la curiosité insatiable » . Dans son bureau, Annette Doisneau est ainsi entourée de dizaines de boîtes d’archives, où les photos de son père sont classées par thème : enfants, animaux, mode, etc.
Annette était devenue son
assistante. « J’avais deux enfants et je cherchais un travail à mi-temps, raconte-t-elle. Un jour, il avait tellement de travail qu’une jeune femme de l’agence est venue sortir les négatifs. Je lui ai dit que je pouvais le faire lorsque les enfants étaient à l’école. Ça a commencé comme ça ! » C’est ainsi qu’annette a par la suite géré l’agenda de son père, donné les rendez- vous, etc. « C’était passionnant,
sourit- elle. Cela se passait toujours en harmonie et à la fin de chaque journée, il me remerciait d’être venue. En rentrant le soir, il racontait les photos qu’il aurait pu faire. » « Tout le monde mettait la main à la pâte mais en même temps, il travaillait en solitaire, il n’était pas question d’intervenir directement sur ses images » , ajoute Francine. Après le décès de son père en 1994, Annette s’est attelée à classer toutes les photos dans des boîtes à archives et sait aujourd’hui où chaque cliché se trouve ou presque. Tout cela, sans l’aide de l’informatique, «à
l’ancienne » . Francine quant à elle a en quelque sorte gardé son premier métier, agent de photographe. « Les gens continuent à s’intéresser à ses photos, même si elles parlent d’une époque révolue. C’est un cadeau. Le photographe n’est plus là mais son oeuvre est une telle accumulation de trésors que nous avons encore des années de travail qui nous attendent, si nous en avons la force ! »