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De la prison à la scène pour les détenus de Bois-d’arcy

- Florie Cedolin

Ce matin-là, pour sept détenus de la maison d’arrêt de Bois-d’arcy, pas question de promenade. Dans la salle de l’amphithéât­re de la prison, Konan, Jawad et d’autres se préparent à donner une représenta­tion théâtrale.

Konan endosse ainsi le rôle du roi de Palerme, fou amoureux de la fille du roi de Hollande, promise à un autre. Bref, nous sommes au théâtre. Ou presque. Car à l’issue de la représenta­tion, les acteurs resteront entre les murs de la prison tandis que le public retrouvera sa liberté.

Cette petite pièce, les détenus l’ont préparée pour montrer leur savoir-faire en matière de théâtre. Depuis deux mois maintenant, accompagné­s par la compagnie L’art éclair, ils suivent des ateliers avec un objectif : créer de A à Z une pièce, costumes et accessoire­s compris, pour la jouer en décembre 2018 au château de Versailles.

Mais le projet ne concerne pas seulement Bois-d’arcy. La maison d’arrêt pour femmes de Versailles y participe, de même que la centrale de Poissy. C’est ainsi un projet inédit, associant les trois prisons des Yvelines qui est en train de naître.

Pour les détenus, ces ateliers sont un véritable bol d’air. « J’avais déjà fait un peu de théâtre, alors j’ai saisi l’occasion, raconte Jawad, 30 ans. Il y a le travail d’écriture mais aussi la possibilit­é de jouer devant des personnes, c’est ce que je préfère. Et puis ce sera un honneur de jouer à Versailles ! On oublierait presque que l’on est en prison. »

Rida, 26 ans, a lui endossé le rôle de Monsieur Loyal, c’était d’ailleurs presque une évidence pour tous. « Je suis quelqu’un d’ouvert, d’extraverti. Je vais mettre ma petite touche. Et puis la scène, le théâtre, la culture, j’adore ; je suis un narcisse dans l’âme », plaisante-t-il.

« Cela me permet de m’ouvrir sur d’autres choses, poursuit Konan, 25 ans. Je suis déjà une préparatio­n pour être professeur de boxe. Ce projet nous montre que nous sommes traitées comme des personnes à qui l’on donne une chance. »

Cette chance, c’est notamment par le metteur en scène Olivier Brunhes de la compagnie L’art éclair, qu’elle passe. Il a été à l’origine d’un projet similaire à Villepinte en 20082009 mais « nous ne pouvions jouer qu’àl’intérieur de la prison », regrette-t-il. « Pour que le théâtre existe, il faut qu’il soit joué en public. » Cinq ans plus tard, nouveau projet avec les détenus d’osny qui ont pu jouer au théâtre de Cergy-pontoise.

Cette fois-ci, Olivier Brunhes va donc encore plus loin puisque trois prisons y sont associées, une première. « Nous avons les mêmes exigences qu’avec une troupe de profession­nels, précise le metteur en scène. On les tire le plus possible vers le haut. »

Au total, près de 70 détenus Yvelinois sont concernés par le projet, qui allie plusieurs acteurs : le château de Versailles, les prisons, l’administra­tion pénitentia­ire mais aussi l’atelier du Bégonia d’or pour la création des costumes ou encore les technicien­s d’art du château de Versailles accompagné­s par le directeur du Petit Trianon pour la confection des décors.

Les textes seront ainsi écrits à Versailles et Bois-d’arcy, les accessoire­s réalisés à Versailles et les décors à Poissy et Boisd’arcy. L’originalit­é de l’opération tient aussi dans la représenta­tion finale. Détenus hommes et femmes seront réunis sur scène, quel que soit leur régime de détention.

« Ce projet est aussi un moyen de se rencontrer les uns les autres et d’effacer une certaine violence de la vie », estime Catherine Pégard, présidente de l’établissem­ent public du Domaine national de Versailles. « Les détenus demeurent des citoyens, ajoute Laurent Ridel, directeur interrégio­nal des services pénitentia­ires. Et la culture est un levier formidable pour prévenir la récidive ; elle redonne aussi confiance en soi. »

Le château de Versailles était déjà partenaire du service pénitentia­ire en accueillan­t des TIG, travaux d’intérêt général. Là, le projet permet de travailler « sur une plus longue durée ». « Nous avons beaucoup à donner », conclut Catherine Pégard.

Le château de Versailles, les prisons des Yvelines et l’administra­tion pénitentia­ire s’associent dans un projet inédit : la création de A à Z d’une pièce de théâtre avec 70 détenus de Bois-d’arcy, Poissy et Versailles. « On oublierait presque que l’on est en prison » Détenus hommes et femmes sur scène

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