Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Vladimir Cosma au festival du film documentai­re

- Recueillis par T.R.

Quels sont vos liens avec les Yvelines ?

Je connais le mot Yvelines. Je ne sais pas à quelles villes cela correspond.

Versailles, par exemple.

J’ai un moment mémorable de ma vie à Versailles, car il y a quarante-huit ans, j’ai eu mon premier rendez-vous avec la femme de ma vie devant le château de Versailles ! Elle était à Marnes-la-coquette, on cherchait un point de rencontre et on a choisi le château. J’avais deux heures de retard à ce rendezvous et elle m’a attendu !

Quel regard portez-vous sur le métier de compositeu­r de musique de films et son évolution par rapport à vos débuts ?

Je considère que musicien, ce n’est pas un métier à but lucratif, c’est une passion. J’ai toujours été un compositeu­r tout court. Il se trouve que pendant de longues périodes de ma vie j’ai fait de la musique de films, mais c’est comme au temps de Stravinsky ou d’autres, ils faisaient de la musique de ballet parce qu’il y avait beaucoup de production­s de ballets. Bach écrivait pour l’église mais ce n’était pas pour autant un compositeu­r pour l’église. Depuis un siècle, le cinéma est une des formes de spectacle qui utilise le plus la musique. C’est difficile d’être compositeu­r aujourd’hui, sans écrire pour la télévision, le cinéma, et toutes ces formes de diffusion qui n’existaient pas auparavant.

Travaillez-vous à partir d’images ou d’un scénario ?

Non, je compose de la musique depuis que je suis petit et tous les jours entre 8 h et midi, j’écris de la musique. J’ai un horaire précis.

C’est comme une hygiène de vie ?

Cela fait partie de ma vie. Parfois j’ai une commande de musique de film, je cherche un thème que je ne trouve pas forcément. Alors, je cherche dans mon travail fait un ou deux ans avant et je trouve certaines choses que je marque dans des cahiers avant de les adapter à la commande. Il y a des fois où je trouve pour une commande, mais dans la majorité des cas, mes thèmes sont faits au fur et à mesure de ma vie.

C’est le cas de vos airs les plus connus ?

Oui, même s’ils ne sont pas exactement dans la forme finale. Par exemple, le motif de Rabbi Jacob, je l’avais trouvé quand j’avais 15 ans. Au moment du film, je l’ai développé et j’ai fait ce qu’il est devenu dans le film. Même la musique de La Boum, c’est un motif que j’avais écrit pour un film publicitai­re de quinze secondes, avec trois notes qui me semblaient intéressan­tes. Je commence toujours par chercher une idée nouvelle, originale pour la commande qui m’est faite mais si tout d’un coup je me dis que ce que j’ai fait là avant est plus intéressan­t, alors je ne me prive pas.

Vous avez fait beaucoup de comédies, mais c’est un hasard, non ?

Oui, complèteme­nt. Je ne suis ni particuliè­rement comique ni particuliè­rement gai de nature. Il se trouve que j’ai eu la chance de commencer avec Yves Robert pour Alexandre Le Bienheureu­x. Pendant quelques années, j’étais son compositeu­r pour les films qu’il réalisait ou produisait comme Le Distrait ou Le Grand blond avec une chaussure noire. Comme cette musique a eu un énorme succès, j’ai été appelé par les plus grands metteurs en scène de comédie comme Gérard Oury et d’autres.

Gérard Oury, Pascal Ferrant, Claude Zidi, Claude Pinoteau, Jean-pierre Mocky… Autant de metteurs en scène avec qui vous avez travaillé plusieurs fois au cours de votre carrière…

Ce n’est pas moi qui suis allé les chercher, c’est la vie qui a fait que ça s’est passé comme ça. Si j’avais été appelé pour un film d’alain Resnais, je serais peutêtre parti dans un autre genre de cinéma.

Si vous deviez garder une seule de vos compositio­ns, celle dont vous seriez le plus fier, ce serait laquelle ?

Je ne suis pas fier de nature… Écrire, créer, c’est un cadeau du ciel qui nous est donné à nous auteurs. Quand j’avais 7 ans, une grande professeur de violon en Roumanie qui avait 85 ans, est venue m’écouter jouer un concerto de Bach. Elle m’a dit : C’est pas mal, mais dans le deuxième mouvement vous fermez les yeux, qu’est-ce qui se passe ? Je lui ai répondu que j’ai été tellement ému par cette musique que j’ai fermé les yeux. Elle m’a dit : Vous jouez non pas pour vous émouvoir vousmême mais pour émouvoir votre public. Vous devez faire tomber en transe tous les soirs les gens qui viennent vous entendre. J’ai compris alors que je faisais de la musique pas uniquement pour moi.

Je n’écoute pas mes musiques, mais plutôt la musique des autres. Après, parmi mes compositio­ns, celles qui cinquante ans plus tard sont toujours d’actualité, qu’on écoute parfois plus qu’au moment où je les ai écrites, c’est une forme de récompense. Je pense au Grand Blond avec une chaussure noire, Rabbi Jacob… Pour vous la musique au cinéma, mieux vaut que le public ne l’entende pas ou bien faut-il au contraire qu’il la remarque ?

Pour moi, il vaut mieux qu’il la remarque. Il y a ceux qui disent qu’une bonne musique de film est celle qu’on ne remarque pas. C’est comme dans un appartemen­t, un papier peint. Je préfère la musique tableau. Comme le papier peint, le tableau fait partie du décor de l’appartemen­t mais même si vous le mettez dans un autre appartemen­t, il reste beau.

Son nom est associé aux plus grands succès du cinéma français des années 70 et 80. Le compositeu­r Vladimir Cosma, 77 ans, sera présent ce mercredi 15 novembre à Saint-quentin-en-yvelines, pour la soirée d’ouverture du festival du film documentai­re 50/1.

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