Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Chrétiens en Irak, réfugiés dans les Yvelines

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Dans son petit logement près de Versailles, assise dans son fauteuil roulant, Jorjet porte encore le deuil.

Entièremen­t vêtue de noir, elle regarde ses mains ridées. Elles encadrent le souvenir de sa fille. Une photo. Barrée de noire. C’était il y a plus de dix ans. Pour l’octogénair­e, c’était hier. « Ma fille avait été kidnappée par les soldats de Daesh. On nous réclamait une rançon de 50 000 dollars. Comme ça ne venait pas assez vite, elle a été exécutée devant la maison. »

Des larmes coulent sur les joues de la vieille femme. De la tristesse. Mais aussi de la joie. Surtout lorsque son fils Zaïd entre dans son studio. Lui est vivant ainsi que son épouse et ses trois enfants. Ils ont fui Mossoul, leur pays, l’irak. Aujourd’hui, ils sont réfugiés politiques en France. Et le hasard les a conduits jusque dans les Yvelines. Pas question pour autant de relâcher la vigilance. « Même ici, près de Versailles, nous avons peur. Peur d’être retrouvés et d’être tués. »

Zaïd et sa famille tentent aujourd’hui de reconstrui­re leur existence, aidés par l’associatio­n Eleutheros (lire encadré). Cela fait presque deux ans qu’ils sont en France. Les enfants réussissen­t bien à l’école. Lui et son épouse mettent tout en oeuvre pour s’intégrer. Ils apprennent le français et tentent de trouver du travail. Il est ingénieur spécialisé dans le bâtiment. Elle est pédiatre. Il lui faut étudier à nouveau pour l’équivalenc­e de ses diplômes.

Se convertir, payer ou mourir

Si leur vie a repris un semblant de cours normal, elle n’en demeure pas moins marquée au fer rouge.

« Après 2003, Daesh est arrivé avec sa mentalité : persécutio­n, kidnapping. Ils ont ensuite contrôlé notre village, près de Mossoul. Un jour, on nous a donné le choix : on devait se convertir, payer la jiziya (une sorte d’impôt leur permettant de pratiquer leur religion : Ndlr) ou alors nous faire couper la tête, témoigne Zaïd. Nous sommes chrétiens. Nous préférions tout abandonner mais garder notre foi. C’est peut-être la plus grande décision que j’ai prise dans ma vie de fils, de père et d’époux. Nous n’avions pas le temps de réfléchir. »

Une nouvelle famille

Toute la famille s’engouffrer­a dans la voiture et quittera le village en quelques heures. « Il fallait le faire. Daesh occupait notre village. Les combats étaient proches. Les femmes se sont voilées pour faciliter le passage des contrôles. Plus de 1000 voitures étaient comme nous sur la route de la fuite. Nous avons dormi dans notre voiture avec les enfants. Nous avons réussi à atteindre une ambassade française. Là, nous avons fait notre demande de réfugiés politiques. Il a fallu attendre six mois. »

Rapatriée en France par avion, la famille va réellement comprendre à quoi elle a échappé. « Si nous étions restés, nous ne serions plus là pour raconter. Raconter que nous avons

laissé notre patrie, notre culture, notre chrétienté dont l’histoire débute au Ier siècle après Jésus-christ. »

Zaïd et sa mère se disent « heureux d’être ici, en France, dans les Yvelines, alors que d’autres chrétiens continuent à souffrir et à mourir. Nous pensons à eux tous les jours alors que nous avons trouvé ici une nouvelle famille, si gentille. »

Repartir un jour ? Ils y songent. « Mais pas maintenant. Tant que la charia sera appliquée, c’est impossible. Tant qu’il n’y a pas de justice pour les chrétiens, tant qu’il n’y a pas de sécurité pour nous. »

« Et pour retrouver quoi ?, interroge Jorjet. Nous avons dans leur insertion sociale, les démarches administra­tives et la découverte du patrimoine et de la culture française. Elle assure certaines formations.

Eleutheros existe depuis plus de 6 ans.

Plus d’informatio­ns sur www.eleutheros.eu

Ils ont fui Daesh, quitté leur pays. Ils sont chrétiens et réfugiés dans les Yvelines. Ils tentent d’y reconstrui­re leur existence. Rencontre. Une vie marquée au fer rouge « Le vent de la rumeur était vrai »

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