Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Andrée, 95 ans, se souvient de champs à perte de vue

- Nicolas Giorgi

Avec ses yeux d’un bleu azur à la Jean d’ormesson, Andrée Lajudie porte sur la vie ce regard pétillant de l’enfance.

Dans le salon de sa maison de la rue Danielle-casanova, un petit pavillon situé au niveau de la station BP, à Trappes, le temps s’est comme arrêté. Les mots croisés et les parties de Scrabble occupent les après-midi d’andrée, 95 ans, avec la régularité d’un métronome.

Les petits pois des Cuypers

La Nationale 10, Andrée l’a côtoyée toute sa vie. « Mon quartier a toujours été très calme. Dans les années 5060, c’était peu fréquenté. Mes enfants jouaient sur le trottoir », se souvient-elle. C’est en 1950 qu’elle emménage à Trappes avec son mari, trois ans avant la constructi­on de la N10.

Une ville d’agriculteu­rs qui abonde en fermes et exploitati­ons agricoles. « J’avais 24 ans et je venais de me marier. Nous habitions Paris et avons trouvé que ce n’était pas très cher par ici. On a acheté neuf et on y est resté », se souvient cette fringante nonagénair­e. De grandes fermes, aux quantités astronomiq­ues d’hectares, étaient alors indissocia­bles du paysage. « Les femmes qui travaillai­ent aux champs étaient pieds nus dans la terre pour arracher les betteraves », raconte Andrée. Elle se souvient également des boîtes de petits pois à l’étuvée Le Trappiste, cultivés par les Cuypers, une famille de riches exploitant­s flamands ayant possédé jusqu’à 650 ha à Trappes.

« J’empruntais la Nationale 10 en 2 CV tous les jours pour me rendre à Versailles, où j’avais trouvé un poste de secrétaire à l’inra », poursuitel­le.

À l’époque, la N10 passait par la rue Jean-jaurès et ses commerces foisonnant­s.

« Il y avait un marchand de chaussures, une charcuteri­e et une boulangeri­e très bonne ! », se souvient-elle.

Les années 70-80 sont marquées par l’urbanisati­on galopante.

« Assez vite, dans les années 70, ça s’est mis à construire tout autour. Ça roulait très vite, on nous disait de faire attention », se souvient Andrée.

Aujourd’hui la situation a bien changé. Avec les travaux d’enfouissem­ent de la N10, un rondpoint d’une centaine de mètres de diamètre doit être construit à quelques mètres de son jardin. Ce qui l’inquiète. « Ça va nous faire du bruit. Je cultivais un peu de légumes au fond de mon jardin (carottes, tomates, poireaux). J’ai peur de ne plus pouvoir le faire », s’inquiète la retraitée.

Un recours a d’ailleurs été déposé devant le tribunal administra­tif de Versailles concernant cet ouvrage par une associatio­n de riverains hostiles à ce projet. Un dossier suivi attentivem­ent par Andrée par l’intermédia­ire de ses voisines, qui lui rendent visite régulièrem­ent pour faire un brin de causette.

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