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La poule de luxe de retour chez elle
« J’ai fait d’une poule un totem. » C’est le sourire aux lèvres que Jean-claude Boulard, maire du Mans, reçoit les premières poules Le Mans qui résideront désormais sur le Domaine national de Versailles. Deux poules et un coq, accueillis au Pavillon de Jussieu et pour lesquels un poulailler a été spécialement conçu. Mais les gallinacés auront aussi le droit de s’ébattre sur quelques pelouses du domaine royal.
Une poule de luxe
Il fallait bien cela et un petit tapis rouge menant à leur future demeure, pour accueillir ces poules dont la race s’était éteinte. « C’était une poule de luxe, annonce d’emblée le maire du Mans. Jean de La Fontaine y fait référence dans l’une de ses fables, Rabelais ou encore Racine. Il y a trois ans, avec Jean-pierre Coffe, nous nous sommes dit que nous allions la reconstituer. »
Jean-pierre Coffe disait d’ailleurs : « La poule ou la poularde du Mans était de tous les grands événements gastronomiques depuis le Moyen-âge. » Le maire du Mans connaissant aussi Alain Baraton, jardinier en chef des domaines de Trianon et du Grand Parc, il n’y avait qu’un pas à franchir pour que cette poule revienne à Versailles.
Trois races croisées
Pour cela, trois races ont été repérées puis croisées. « Au bout de la trentième génération (une génération de poule s’étend sur environ 3 mois, N.D.L.R.), nous avions le bon sujet », se félicite Jean-claude Boulard. Et c’est à l’arche de la nature, un domaine de 500 ha au Mans, que la poule a pu se multiplier ; près de 400 « sujets » existent aujourd’hui, répartis entre différents éleveurs réunis au sein d’une association. « On en avait amené une à l’elysée, raconte pour l’anecdote le maire du Mans. Et la cage s’est ouverte ! Vous auriez-vu la tête des gardes du corps ! Cette poule a une histoire (lire ci-contre). »
Sur les tables étoilées
La poule Le Mans est une grosse poule noire à crête rouge, très appréciée pour sa chaire assez brune, tirant sur le gibier. D’ailleurs, depuis sa réintroduction, plusieurs chefs étoilés ont décidé de la mettre à leur carte, comme Olivier Boussard, chef du restaurant étoilé Le Beaulieu au Mans. Mais il faut que cela reste un « produit saisonnier, en quantité limitée ».
Les deux poules et le coq accueillis au château ne sont d’ailleurs pas destinés à finir dans l’assiette. « Pas question, dit Alain Baraton. Les oeufs en revanche oui. Mais nous espérons aussi avoir des petits. Louis XV avait une collection de poules. Ce retour, c’est un clin d’oeil avec un soupçon d’histoire, de sérieux et de biodiversité. »
Ce que confirme Catherine Pégard, présidente de l’établissement public du Domaine national de Versailles : « Cela montre l’intérêt que l’on porte à nos jardins. Nous y cultivons des légumes avec beaucoup de soin ; nous sommes dans un écosystème protégé. Nous faisons aussi un travail sur les espèces d’arbres rares. Pour la poule, c’est pareil. Nous sommes toujours dans la logique de défendre le patrimoine en innovant ; s’inspirer du passé pour faire vivre le lieu dans le présent. »
Reste maintenant à baptiser officiellement les poules. L’une l’a déjà été, par son parrain, Stéphane Bern, présent au château vendredi dernier. Elle s’appellera Aliénor, en référence à Aliénor d’aquitaine.
Elle était à Versailles sous Louis XV. Mais petit à petit, elle avait disparu. Grâce à des passionnés comme le maire du Mans, la poule Le Mans revit aujourd’hui. Et depuis vendredi, elle est de retour au château de Versailles.