Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

La Forme de l’eau

- Pierre Limat

Il y a quelques années encore, imaginer une victoire de Guillermo del Toro dans les principale­s catégories des Oscars semblait aussi improbable que voir l’un de ses monstres prendre vie hors de l’écran. Il y avait certes eu les excellents « L’échine du diable » et « Le Labyrinthe de Pan » mais, le reste du temps, le fond n’arrivait pas au niveau de la forme, splendide. Aujourd’hui, nous sommes peut-être sur le point de changer d’avis, car sa « Forme de l’eau » est en lice pour treize statuettes dorées, dont celles du Meilleur Film et du Réalisateu­r, et semble très bien parti pour triompher le 4 mars prochain, dans la lignée de son triomphe au dernier Festival de Venise, dont il est reparti avec le très convoité Lion d’or. Situé pendant la Guerre Froide, ce dixième long métrage du cinéaste mexicain nous plonge dans les couloirs d’un laboratoir­e ultra-secret des États-unis où des liens vont se tisser entre Elisa, modeste employée muette, et la créature amphibie étudiée, parfois violemment, dans les lieux. Comme une variante de « La Belle et la Bête », ce qui ne manque pas d’ironie dans la mesure où le réalisateu­r était attaché à une adaptation avec Emma Watson, partie incarner l’héroïne chez Disney lorsque le projet est tombé à l’eau. C’est donc de façon détournée que del Toro y revient, et ça n’est pas plus mal. Si les scènes du début, avec la routine matinale du personnage principal, ou la musique du Français Alexandre Desplat, peuvent faire penser à du Jean-pierre Jeunet, l’ensemble reste cohérent avec l’univers filmique du Mexicain, qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il mêle Histoire et fantastiqu­e. Et ce sans trop appuyer l’un et l’autre, ce qui rend le mariage d’autant plus naturel et réussi. Traversé de poésie, ce conte pour adultes et non-convention­nel constitue l’un des vrais sommets de la carrière de Guillermo del Toro, qui frôle la perfection, tant sur le plan visuel qu’au niveau de la narration et des thèmes tels que la monstruosi­té ou le droit à la différence. Assez pour que la possibilit­é de le voir sacré aux Oscars grandisse de jour en jour. Une hypothèse que vous risquez fort de soutenir après avoir vu ce nouvel opus dont le plan final risque de vous hanter pendant un bon bout de temps.

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