Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)
Asile et immigration : le projet de loi qui divise
Présenté en conseil des ministres, le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » est jugé déséquilibré par les défenseurs des droits. Il est même décrié dans les rangs de la majorité.
« Ce projet vise à mieux maîtriser l’immigration pour mieux accueillir. Car si c’est l’honneur de la France que d’accorder une protection à celles et ceux qui fuient la guerre ou les persécutions, atteindre ce but suppose que notre pays se montre plus efficace dans l’éloignement de celles et ceux qui, déboutés du droit d’asile, n’ont pas vocation à demeurer sur notre sol. » En présentant son projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » au conseil des ministres, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, précise que ce texte s’inscrit dans la continuité des engagements pris par le Président de la République durant la campagne électorale ainsi que dans celle du plan « Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires » présenté par le Premier ministre le 12 juillet. Son objectif affiché : « Expulser davantage d’étrangers qui souhaitent s’installer en France et protéger les plus vulnérables », résume Ouest-france. Le ministre affirme vouloir « sécuriser le droit au séjour pour les bénéficiaires de la protection internationale ainsi qu’à leurs proches, pour les victimes de violences conjugales mais aussi pouvoir mieux lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ». Concrètement, les étrangers arrivant en France n’aurant plus que 90 jours au lieu de 120 pour déposer leur demande d’asile, et 15 jours au lieu d’un mois pour poser un recours s’ils sont déboutés. L’enfermement en centre de rétention de ceux qui sont en situation irrégulière pourra être augmentée de 45 à 90 jours.
Procédure d’asile dégradée
«
Ce projet de loi instaure principalement des mesures renforcées de restrictions, de contrôles et de « tris », à des fins d’empêchement d’entrée ou d’expulsion et de bannissement du territoire. En cela, il vient amplifier la politique migratoire actuelle, déjà fortement attentatoire à la dignité et au respect des droits fondamentaux des personnes », s’étrangle la Cimade. Dans un communiqué commun, plus d’une vingtaine d’associations dont la Fédération des acteurs de la solidarité, la Ligue des Droits de l’homme, Emmaüs, l’armée du Salut, Médecins du Monde, relèvent bien quelques points positifs (accès à la carte de résident des parents d’enfants sous protection internationale, extension à quatre ans de la carte de séjour pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire) mais voient surtout « des mesures qui vont dégrader la procédure d’asile. Au prétexte de renforcer l’efficacité des mesures d’éloignement, le projet développe à outrance les mesures de contrôle et de privation de liberté. » Dans Le Monde, le défenseur des droits, Jacques Toubon affirme pour sa part que le demandeur d’asile est « maltraité » par ce texte. « Il s’y retrouve pris dans des procédures tellement accélérées qu’elles confinent à l’expéditif. » Après la Cour nationale du droit d’asile, les agents de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se mettent en grève pour protester contre la réduction des délais de procédure. La controverse gagne même les rangs de la majorité. Certains députés LREM affichent leurs réticences, à l’image de Mathieu Orphelin souhaitant que le texte soit « rééquilibré », Martine Wonner qui veut « l’assouplir » ou Stella Dupont qui s’interroge sur « l’efficacité et la pertinence de certaines mesures ». Avec la droite qui déplore un texte trop laxiste et la gauche qui le juge trop répressif, le débat parlementaire prévu en avril pourrait s’avérer mouvementé. « Le gouvernement sait qu’il répond aux attentes d’une opinion publique majoritairement favorable à plus de fermeté en matière d’immigration », constate Le
Monde. Mais, ce faisant, il néglige cruellement deux principes fondamentaux : l’accueil des personnes en détresse (quasiment absent de son projet) et le respect de la dignité humaine. En la matière, le « en même temps » cher au président de la République n’est plus que de façade. »