Transport Info

EN BANDE ORGANISÉE

Pour pallier les incertitud­es liées à la crise sanitaire qui perdure et au manque de maind’oeuvre, de jeunes dirigeants s’entraident au quotidien, venant ainsi tordre le coup à certaines idées reçues. Transport Info leur a donné la parole.

- TexTe : ArnAud IlIé. PhoTos : dr.

Seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin » affirme Romain Bouloizeau (cf TI n°615), un jeune transporte­ur d’Indre-et-Loire (37). « Ensemble, nous sommes plus forts et surtout nous sommes plus

«

souples », complète son confrère Rudy Chabot présent dans la Vienne (86). Ils ont entre 25 et 30 ans et sont une demidouzai­ne à se réunir régulièrem­ent pour parler des opportunit­és de business dans leur région. « Nous nous “refilons ” du boulot

en fonction de nos spécialité­s, confie Rudy Chabot. Il y a ceux qui ne pratiquent que du bâché, d’autres un peu de benne, tandis que, de mon côté, je suis actif en plateau, en porte engins et un peu en frigo. » Au-delà de la complément­arité de leurs spécificit­és, tous souffrent du manque de chauffeurs spécialisé­s. Alors pour pallier cette problémati­que, ces dirigeants s’organisent et trouvent des parades. « Afin de délivrer un boulot de qualité, nous devons nous appuyer sur des conducteur­s solides. Or, leur formation est catastroph­ique, ce qui nous empêche de progresser, glisse Rudy Chabot. Depuis la rentrée, nous passons notre temps à refuser des affaires. Le fait de se redonner du travail entre nous, nous sauve de bon nombre de situations. En ce moment, mon collègue du 37, Cédric Jucquois (cf. TI n°616), est pénalisé car il ne trouve pas de chauffeurs ; j’ai pu lui envoyer un gars. On se débrouille ainsi. Lorsque j’ai du porte-engins à effectuer dans son secteur, je lui donne le travail, cela m’évite de remonter et cela me permet de partir sur un autre chantier. »

PROCHE D’UN GROUPEMENT D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE

Vous l’aurez compris : ces jeunes transporte­urs jouent à fond la carte de la solidarité. « Notre organisati­on ressemble à un groupement d’intérêt économique sans vraiment en être un puisqu’en travaillan­t entre nous, nous pouvons nous appuyer sur la mise en commun de nos flottes de camions », précise Rudy Chabot. Lequel peut compter sur ses 17 véhicules dont une bonne moitié en traction. Il lui reste sept poids lourds en propre tandis que le reste est placé chez des clients pour des activités spécifique­s. De son côté, Cédric Jucquois en possède dix sans compter la dizaine supplément­aire pour effectuer les transports en TP. Romain Bouloizeau, quant à lui, dispose de cinq camions en plateau. « Après, sur le Châtellera­udais, Poitiers, et le sud Touraine, je peux également m’appuyer sur

Maxence qui envoie deux véhicules vers la région Rhône-Alpes », souligne Rudy Chabot. C’est lui qui l’a lancé dans le TRM en lui confiant ses premiers voyages. « Au départ, j’étais parti sur un projet de traction et finalement je me suis offert une bâchée pour 3000 € pour commencer en fret sur les conseils de Rudy, confirme un autre compagnon de route, Maxence Seguin. J’ai pu le dépanner lorsqu’il n’avait pas de gars à sa dispositio­n. Il m’a donné des départs de certains de ses clients en direct et je me suis débrouillé pour les retours. Aujourd’hui, je me suis concentré sur la région lyonnaise pour venir sur le Poitou-Charentes et cela commence à porter ses fruits. La ramasse en bâché pour remonter chez moi occupe deux tours par semaine. » « L’entente est primordial­e pour nous artisans transporte­urs, poursuit Maxence. Nous avons intérêt à être solidaires et de ne pas nous tirer dans les pattes, sinon ce sont les grosses boîtes qui vont en bénéficier. Entre nous, nous nous donnons des tarifs plus intéressan­ts que si nous confions le travail à des inconnus. » Et lorsque l’un d’entre eux connaît un pic d’activité, ils sont capables de se réunir pour absorber les demandes supplément­aires de leurs clients.

LES PETITS CONTRE LES GROS

« Avec la concentrat­ion actuelle du marché, la seule solution pour poursuivre notre développem­ent, c’est de s’entraider, prédit Rudy. C’est même ce qui nous sauve parce que nous n’avons pas du tout la même approche que les gros opérateurs. Nous ne pouvons pas sortir les mêmes tarifs que des Perrenot ou des Malherbe qui paient leurs camions jusqu’à 40% moins cher que nous. Cela a une incidence sur nos tarifs, nous sommes obligés d’avoir des prix un peu plus élevés et parfois, cela ne passe pas. Mais les clients qui veulent de la qualité et de la souplesse, ceux qui ne souhaitent plus d’affrétés, reviennent vers nous ». « Après, nous restons chacun indépendan­t, précise Maxence, et, malgré tout, nous sommes parfois bien obligés de travailler pour eux parce que les volumes passent forcément par là. Au départ du 86, je collabore avec de grosses structures telles que Geodis, K&N, et si je ne les ai pas en départ, cela reste difficile », nuance Maxence qui poursuit : « Comme les gros groupement­s, notre organisati­on repose sur un certain nombre de principes et de valeurs. Sans confiance entre nous, il est impossible de lancer de tels projets avec autant d’argent en jeu. Surtout par les temps qui courent ! » Et Rudy Chabot de résumer la situation actuelle :

« Nous opérons dans un contexte global incertain marqué par le Covid19 et caractéris­é par une pénurie de personnels qualifiés pour effectuer nos prestation­s. À l’heure où les conditions de notre développem­ent ne sont pas réunies, se regrouper pour mieux passer la crise, c’est peut-être une des solutions. »

«AVEC LA CONCENTRAT­ION ACTUELLE DU MARCHÉ, LA SEULE SOLUTION POUR POURSUIVRE NOTRE » DÉVELOPPEM­ENT, C’EST DE S’ENTRAIDER.

 ??  ?? Rudy Chabot
Rudy Chabot
 ??  ?? Romain Bouloizeau
Romain Bouloizeau
 ??  ?? Cédric Jucquois
Cédric Jucquois
 ??  ?? Maxence Seguin
Maxence Seguin
 ??  ??
 ??  ?? L’un des ensembles de Maxence Seguin.
L’un des ensembles de Maxence Seguin.
 ??  ?? Rudy Chabot peut s’appuyer sur un parc de 17 véhicules.
Rudy Chabot peut s’appuyer sur un parc de 17 véhicules.

Newspapers in French

Newspapers from France