PARIS- KATMANDOU
Voilà plus d’un an maintenant que nous rêvions de tenir entre nos mains ce Grand guide du Mustang. Nous l’ avons imaginé. Idéalisé. Bien avant que ne surviennent le séisme du 25 avril dernier au Népal et ses violentes répliques. L’abattement, déjà. Et puis, alors qu’il était quasiment bouclé, il y a eu ce 13 novembre. Un vendredi. Un vendredi noir. À nouveau, la stupeur. La douleur. La rage, aussi. Avec, de retour au bureau – un lundi de deuil national –, une minute de silence, et une évidente impression d’être à contretemps. À quelques mois d’intervalle, tout concourait à nous rappeler cet état d’hébétude lorsque les sismographes se sont mis à trembler à Katmandou… Et toujours les mêmes questions. Peut-on continuer d’évoquer le voyage, la montagne, la beauté du monde… lorsque le Monde enterre ses morts ? Abandonner? Premier battement de coeur sur notre électrocardiogramme plat. Un réflexe, plus qu’une réflexion. Tous, comme un seul homme, nous avons ressenti le besoin de respecter nos engagements envers les équipes locales népalaises, qui nous attendaient sur le terrain. Et puis, à mesure que nous découvrions ce Népal d’un courage et d’une solidarité sans faille, une rage nouvelle, une envie de se battre, de prendre la vie à bras-le-corps, d’aider à reconstruire, le mieux possible, ce monde que nous avions tant aimé. Sept mois après le Népal, la France pleure ses morts. Et à l’heure où planent la mort ou l’obscurantisme, une à une, les flammes des bougies illuminent dans la nuit. De Paris à Katmandou, la vie qui renaît. Nous revivrons. Tous et toutes. Demain, nous entendrons à nouveau les rires au bivouac, aux terrasses de cafés ou dans les travées du Bataclan. Ce numéro a été conçu alors que les tentes des réfugiés s’alignaient en rangs serrés dans Ratna Park ou dans les jardins du monastère de Shechen, à Katmandou. Il a été imprimé au beau milieu des « Une » sanglantes. Mais ce qu’il incarne est à mille lieues de cela. Il rend grâce à l’indicible beauté du monde, à sa fragilité, à son humanité. À ce que nous avons de plus précieux, ce que nous devons sauvegarder, célébrer, transmettre. Le coeur. La vie.