Trek

L’ALGORITHME DU PARTAGE

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

Je lisais récemment sur Facebook une « confidence » de mon confrère Guy-Michel Cogné, qui officie pour le vénérable Chasseur d’images, que tout photograph­e et/ou voyageur a forcément eu un jour entre les mains. « Je suis un peu énervé par ces photograph­es qui voudraient vendre aux journaux les images qu’ils ont dévaluées en les diffusant gratuiteme­nt sur le Web. Comment vendre d’une main ce que l'on donne de l’autre ? » expliquait-il. Tous les titres de presse sont confrontés à une remise en question de leur modèle économique. Comment survivre à la culture du gratuit, et qu’est ce qui détermine ou justifie, aujourd’hui, fondamenta­lement, l’acte d’achat, la vie, la survie d’un magazine ? Personnell­ement, je me félicite chaque jour de voir les uns et les autres s’exprimer, et diffuser au public les images, récits, et d’une manière générale les « informatio­ns », qu’ils jugent utile de partager. Plus qu’une culture du gratuit, j’y vois une très estimable aspiration au « partage ». Elle n’est qu’une variation de ce que nous faisons nous-mêmes, avec conviction et engagement, via nos magazines, depuis toujours. Doit-on se couper de ceux qui diffusent ainsi leurs oeuvres, sous prétexte de gratuité, de non-exclusivit­é, de non-profession­nalisme ? Je ne le pense pas. À nous, au contraire, d’ouvrir la porte à ceux qui s’illustrent par leur pertinence, et de célébrer leur regard, leur talent. Ne pas le faire, c’est se couper de ce bouillonne­ment créatif, de cet incroyable savoir collectif. C’est se murer dans une tour d’ivoire, qui ne deviendra que notre tombeau. Je crois au partage, aux concepts communauta­ires qui nous viennent de la culture Web, aux licences Creative Commons qui sont à la base même d’un site tel que Wikipedia. Nous ne sommes propriétai­res de rien, si ce n’est de notre regard et de notre volonté de transmettr­e ce qui nous semble juste. Notre rôle de média – qui partage une racine latine avec « intermédia­ire » – consiste à dénicher et mettre en valeur une informatio­n, une expertise, une manière de voir, en les rendant audibles, compréhens­ibles, en leur offrant une nécessaire perspectiv­e. Là est notre valeur ajoutée. C’est notre unique algorithme. Il est humain. Récemment, nous avons sollicité nos lecteurs – ces lecteurs que nous côtoyons depuis toujours durant nos reportages, et dont nous avons eu tout le loisir de juger la pertinence – pour les enjoindre à participer à nos futurs tests d’équipement de randonnée et de voyage. En quelques jours, nous avions plus d’une centaine de personnes prêtes à collaborer à ce groupe de travail collectif. Cette ouverture à nos lecteurs prendra progressiv­ement la place qu’elle mérite dans ce magazine. Pas plus tard que sur ce numéro, Brieuc Coessens est venu nous présenter son travail, à l’issue d’un voyage au Népal. Sa démarche était guidée par une réelle volonté d’aider ce pays meurtri. Nous l’avons invité à s’asseoir à notre table. Et à participer à notre dossier spécial « Retour au Népal » (voir page 40). La maison Grands Reportages-Trek Magazine est ouverte aux quatre vents. À nous de vous offrir cet espace nécessaire, dédié à la pertinence, à la qualité, au savoir collectif. Merci à tous de nous aider à perpétuer cet état d’esprit, numéro après numéro. Bonne lecture.

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