À LA NUIT QUI NE TOMBE PLUS…
Une dernière station-service et un café à l’embranchement. Et passé la petite église rouge et blanche de Prestbakki, le monde se transfigure redoutablement. Séparation en marche ? Comme du pont d’un navire en partance, à main droite, les montagnes et les glaciers s’éloignent à l’horizon. Le bleu de l’océan, compagnon essentiel des fjords de l’Ouest, grandit sans cesse dans le paysage. Dans les champs, de rares troupeaux de moutons et des ballots de fourrage. La route remonte sur des cols où la neige est encore très présente en cette mi-juin. Un bonheur en guise de bienvenue ? La nuit passée dans l’ancienne école de Broddanes. Ou plus exactement, une nuit passée dans la lumière absolument immobile du soleil posé à ras l’horizon, sur la baie. Autour de nous : une poignée de fermes, les granges et les hangars. Immobilité parfaite de l’espace, où l’on peut compter les rares événements locaux sans se tromper : un border collie, et son maître en quad, regroupant les troupeaux. Les feux d’une voiture loin au fond du fjord, remontant vers les plateaux. Les cris des sternes dans le ciel. Prendre alors tout le temps de marcher sur les rives complexes, pendant les heures hallucinantes d’une nuit qui n’en est pas une, baignée d’une teinte dorée et chaude, en point d’orgue à la suspension surnaturelle du soleil. Les bois flottés. Les îlots à eiders tout proches. Les silhouettes des basaltes convulsés. Avant même de s’enfoncer dans le dédale des fjords et des vallées, le Vestfirðir prend sa mesure. Un monde de silence et d’immobilité reine, posé sous la lumière rase de l’arctique. Plus au nord encore ? Rêver du véritable cap Nord de l’Islande, pour quelques heureux et rares trekkeurs, aux fjords de l’Ouest. Le Hornstrandir est une solitude des solitudes. Pas de route. Pas de pistes. Pas de village. Un rêve de voyage en autonomie totale, qui commence et qui finit forcément, quelque part entre le glacier du Drangajökull ou la singulière falaise de Kalfatindur, par une dépose en bateau…