LA SIGNATURE DES FJORDS
Le versant atlantique des territoires du nord-ouest, des solitudes absolues de Svalvogar jusqu’aux millions d’habitants (oiseaux marins uniquement…) des falaises de Látrabjarg, ne parle, lui, que de longs tableaux de beauté dessinés, esquissés, mélangés entre mer et terre. Les routes se déplient comme des courbes fractales, ouvrant à chaque cap un nouvel espace. Rejoindre Ísafjörður, la « capitale » de la région − deux mille trois cents habitants, est déjà une longue dérive. Un peu de hauteur, et l’on déchiffre immédiatement la géomorphologie somptueuse et presque régulière des auges glaciaires ouvertes à répétition vers la mer, adossées aux strates abruptes de versants, débouchant sur des plateaux d’altitude d’une horizontalité presque parfaite. On peut remonter à la journée dans ces vallées ouvertes, qui abritent quasiment à chaque fois d’étonnantes fermes du bout du monde, nichées sous les pentes, autour de précieuses zones de pâturages. À l’envers de ces objectifs « fermés », les itinéraires purement côtiers prennent le large à chaque bout de cap. Sur deux jours, le tour de la péninsule de Kopur est une « classique ». De l’émouvant cimetière des pêcheurs français de Þingeyri, la piste rejoint la pointe séparant les grands fjords, où un phare marque la bascule de Dýrafjörður vers Arnarfjörður. Des options multiples et hors piste permettent de solides boucles vers les sommets dominant la côte, comme le Kaldbakur, le point haut des Vestfirðir (998 m). Plus l’on s’avance vers le fond du fjord, qui abrite la somptueuse cascade de Dynjandi, plus le découpage spectaculaire des vallées en vis-à-vis, au sud, monte en puissance : la régularité et la répétition des reliefs, où se niche immanquablement, sous 700 à 800 mètres de pentes raides, une modeste ferme, sont une pure merveille géologique. Trop de solitude ? Cap sur les falaises de Látrabjarg. Sur la carte, vous êtes sur le point le plus occidental possible qu’il soit permis de fouler en Europe. Géologiquement, vous marchez pourtant sur la plaque américaine. Mais ici, c’est la surpopulation des oiseaux de mer (macareux, pétrels, goélands, guillemots, fous de Bassan, pingouins torda…) qui fait fureur : dans ce haut lieu de l’ornithologie mondiale, si vous vous engagez sur le fil des vingt-cinq kilomètres des falaises qui rejoignent Keflavik, ils seront des millions (!), juste sous vos pieds, à vous accompagner…