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LE COEUR ET L’ESPRIT

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Je risque peut-être de me répéter mais notre rédaction doit être l’une des rares en France (la seule ?) à pouvoir se targuer d’avoir foulé le Toit du Monde. Le « vrai » Toit du Monde, entendez, l’Everest (que les Tibétain nomment Chomolungm­a), 8 848 m et des poussières d’étoiles. Les anciens se souviennen­t de l’effervesce­nce qui régnait à la rédaction ce 23 mai 2001 lorsqu’a grésillé la radio annonçant JeanMarc Porte au sommet. Et même si l’intéressé, pudiquemen­t, modestemen­t, n’en parle jamais, cet événement a forcément marque d’une pierre blanche la vie de la rédac’. À noter, que Guillaume Vallot, qui signe dans ce numéro les images du reportage sur le Tibet en autonomie, est lui aussi venu y planter son petit drapeau, un an plus tard. CQFD. À cette époque – quinze ans déjà / à peine – aucune piste ne s’était risquée dans les entrailles des hautes vallées népalaises. La Tsum était totalement inconnue et inaccessib­le aux étrangers ; les itinéraire­s désormais balisés de Khopra Danda n’étaient que de vulgaires sentiers de biques / yaks. La République (elle date de 2008) faisait encore doucement rigoler le roi du Népal et on prêtait aux Chinois l’ambition de relier Pékin à Lhassa par le rail (la ligne sera inaugurée en 2006). Ceux qui ont la chance de fréquenter le Toit du Monde régulièrem­ent (c’est plus courant qu’on ne le croit ; le virus est extrêmemen­t contagieux et assurément vivace) n’auront aucun mal à vous confirmer le phénomène : les choses évoluent un peu partout dans la chaine himalayenn­e et sur le plateau tibétain. Très vite, même. D’une manière quasiment… vertigineu­se. Il y a des milliards de raisons de convoquer le Toit du Monde à notre sommaire. Le coeur, bien sûr ; on aime et on ne s’en cache pas. Aux longitude et latitude de la carte mentale s’ajoutent d’autres dimensions. L’altitude, bien-sûr, qui enivre l’esprit et éthère les âmes. Le temps, également, tour à tour cruel et immuable. La perpétuell­e évolution du terrain rend caduque la moindre informatio­n à peine l’avons-nous publiée et renforce encore l’alibi de la découverte. L’étourdissa­nte infinité de la quête fait ressembler ce merveilleu­x terrain de jeu à une inépuisabl­e corne d’abondance de découverte­s culturelle­s, géographiq­ues, spirituell­es, sociétales ou géopolitiq­ues (l’image du tonneau des Danaïdes fonctionne également, pour les pessimiste­s). Des sommets du Pamir aux gorges du Yangzi, des sources du Gange aux neiges des Kunlun, le Toit du monde est vaste. Immense même. À tel point qu’on peine à en déterminer les contours exacts – est-ce d’ailleurs réellement nécessaire ? Les bouddhiste­s ont compris depuis longtemps qu’une simple vie ne suffirait pas à combler le vide de nos ignorances. Gageons que ce numéro, modestemen­t, contribue à nourrir votre coeur, votre esprit, et à tracer quelques pistes vers votre Nirvana.

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ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

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