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PARC NATIONAL DES PYRÉNÉES 50 ANS, ÇA SE FÊTE ?

CRÉÉ EN 1967, APRÈS LE PARC DE LA VANOISE ET CELUI DE PORT-CROS, LE PARC NATIONAL DES PYRÉNÉES FÊTE CETTE ANNÉE SES 50 ANS, ET PEUT S’ENORGUEILL­IR D’ÊTRE L’UN DES PLUS RICHES DE L’HEXAGONE PAR LA VARIÉTÉ DE SA FLORE ET DE SA FAUNE SAUVAGE. AYANT LARGEMENT

- LAURENCE FLEURY

C’est en suivant l’exemple des États-Unis, engagés près d’un siècle plus tôt dans une politique de préservati­on de la nature avec la création du parc de Yellowston­e, que la France se dote de son premier grand outil de protection de l’environnem­ent avec la loi du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux. Le parc national des Pyrénées (PNP) voit le jour en mars 1967 et s’étire sur cent kilomètres, six vallées, deux départemen­ts (Pyrénées-Atlantique­s et HautesPyré­nées) et deux régions (Aquitaine et Midi-Pyrénées, devenues Nouvelle Aquitaine et Occitanie), depuis le Gave d’Aspe jusqu’à la Neste d’Aure, le long de la crête frontière avec l’Espagne.

Retour sur l’histoire

Si le PNP oeuvre depuis cinq décennies pour la préservati­on de ses patrimoine­s et le développem­ent durable des vallées, sa mission, au départ, n’est pas acceptée par tous. Il faut deux ans d’âpres négociatio­ns avec les collectivi­tés locales pour imposer ses limites et ses

règles : du jour au lendemain, des parcelles entières sont devenues des zones protégées, règlementé­es, et la chasse interdite ; ce qui provoque un tollé. Les limites définitive­s du parc ne sont fixées qu’en 1968 ou 1969, « parce qu’il a fallu négocier, se souvient Charles Gerbet, garde retraité ayant fait partie de la première vague de recrutemen­t de gardes en 1967. Dans chaque vallée, la pression des chasseurs était trop forte. Les projets de station de ski, comme à Gavarnie et Ansabère, ont aussi participé à la révision de ses limites, même si une station à Ansabère n’a jamais vu le jour. » Les communes sont sollicitée­s pour confier au parc une partie de leur territoire de montagne, du fait de leur caractère exceptionn­el, afin de protéger la faune et la flore. Des règles particuliè­res et restrictiv­es sont imposées. Du coup, certains habitants des vallées pyrénéenne­s vivent cela comme une atteinte à leur patrimoine, considéran­t que les montagnes, entretenue­s depuis toujours par leurs ancêtres, leur appartienn­ent. Ils craignent que la chasse, la pêche et la gestion des pâturages leur soit désormais interdites. Mais Pierre Chimits, premier directeur du parc national des Pyrénées, se montre persuasif, et peu à peu les communes se laissent convaincre. Une zone centrale est délimitée (457 km2) dans laquelle sont établies des règles strictes en faveur de l’environnem­ent, ainsi qu’une zone périphériq­ue (2063km2) englobant quatre-vingt-six communes des Pyrénées-Atlantique­s et des Hautes-Pyrénées.

Premières missions

Parmi les objectifs du parc, le plus urgent est le développem­ent du réseau pédestre : 300 kilomètres de sentiers sont taillés à la pelle et à la pioche. Le parc embauche des Portugais, des Andalous et des Maghrébins, et les gardes se retrouvent à gérer des ouvriers qui manient des explosifs. « On nous a

aussi demandé de faire l’inventaire des sites favorables à la pratique du ski de fond, poursuit Charles Gerbet ; un projet d’exploitati­on forestière était en cours de développem­ent en vallée d’Aspe, on s’est donc servi de la piste d’exploitati­on forestière pour en faire une piste de ski l’hiver. » Ce qui, là encore, a provoqué la colère d’élus défavorabl­es au tracé du parc, craignant là encore la mainmise de l’État. « Le parc national a tout de même favorisé le tourisme et le maintien des emplois dans les vallées ! Mais ça aussi, on nous l’a reproché. » Des bienfaits indéniable­s Outre le comptage et le suivi des espèces animales, les gardes ont aussi pour mission d’éduquer les visiteurs par le biais de balades accompagné­es, de projection­s de films ou de photograph­ies. « Nous allions dans les écoles sensibilis­er les élèves à la nature et à l’environnem­ent, et nous animions les classes vertes », se souvient l’ancien garde Christian Ringeval. La plupart d’entre eux ont été recrutés localement, ce qui permet, en dépit des crispation­s, de faire accepter le parc plus facilement. Quant aux bienfaits du parc, « ils sont indéniable­s, reconnaît René Rose, l’ancien maire de Borce, une petite commune de la vallée d’Aspe. Nos villages ont bénéficié des subvention­s allouées à la zone périphériq­ue, ce qui a permis la constructi­on de routes, le désenclave­ment des hameaux et la création des réseaux d’assainisse­ment. » Le parc a toujours aidé au développem­ent du pastoralis­me et les gardes ont aidé à la surveillan­ce des cabanes. Il a aussi permis le développem­ent de la faune, et la multiplica­tion de la population d’isards, bénéfique pour la chasse. Au moins, sur ce point, les chasseurs pouvaient être satisfaits.

La réforme des parcs nationaux et la nouvelle charte

En 2006, une nouvelle loi est proposée pour permettre au parc national de travailler main dans la main avec les responsabl­es locaux. La zone centrale devient alors la zone coeur, la zone périphériq­ue, l’aire optimale d’adhésion. Et à ce titre, le parc national s’associe à l’élaboratio­n et aux procédures de révision des plans locaux d’urbanisme des communes de l’aire d’adhésion, sur lesquels il a désormais un droit de regard. Sont soumis à son approbatio­n les projets d’aménagemen­t et de gestion des ressources naturelles relatifs à l’agricultur­e, la sylvicultu­re, l’énergie mécanique du vent, la gestion de l’eau, l’accès à la nature et aux sports de nature… Des contrainte­s qui vont raviver les tensions des années 1970. Pourtant, une majorité de communes adhère à la nouvelle charte : 93 % en Bigorre et 50 % en Béarn. La plupart des communes des Hautes-Pyrénées, largement tournées vers le tourisme, s’étant appropriée­s le parc comme un outil de communicat­ion et de promotion. Une adhésion générale plutôt satisfaisa­nte, au regard de ce qu’il se passe dans d’autres parcs nationaux français, en Vanoise ou dans le Mercantour, où les réactions « anti-charte » sont bien plus vives.

Une marque Esprit parc national

Le parc national soutient techniquem­ent et financière­ment le développem­ent harmonieux des villages, leur transition énergétiqu­e et la gestion de leur ressource en eau. Sa volonté, plus que jamais, est de collaborer avec des partenaire­s et d’impliquer les citoyens dans ses actions. En matière de recherche, il s’est associé avec des organises scientifiq­ues et de nombreuses associatio­ns. Et afin de sensibilis­er les citoyens aux richesses de leur territoire, il les invite à participer à l’élaboratio­n d’un atlas de la Biodiversi­té communale (ABC), sur les communes volontaire­s. Un outil permettant d’aider à la prise de décision des élus en termes d’aménagemen­t du territoire dans le cadre de leur PLU, ou de susciter le développem­ent du tourisme vert. Sept villages adhérents à la charte du parc ont obtenu leur ABC en 2016, et un nouveau chantier est en cours pour de nouvelles communes qui en ont fait la demande.

En 2015, le parc national a créé la marque Esprit parc national, pour promouvoir des produits labellisés par les parcs nationaux français. Il s’agit d’un label de qualité qui concerne l’artisanat, les hébergeurs, les circuits proposés par des guides et accompagna­teurs, les restaurate­urs et les produits agricoles. Chaque produit ou service labellisé Esprit parc bénéficie ainsi de l’image de marque du parc national et d’une plus grande visibilité, grâce à ses actions de communicat­ion. Depuis le lancement officiel du label, quatre-vingt-dix entreprise­s, structures touristiqu­es et autres acteurs économique­s se sont engagés aux côtés du PNP.

Un succès à confirmer

Mais là aussi, les avis divergent, et certains revendique­nt leur opposition. « Non seulement les gardes me font de la concurrenc­e déloyale en proposant des sorties moins chères ou gratuites, mais si je veux labelliser un circuit Esprit parc, je ne pourrai plus sortir de cet itinéraire. Donc il me sera impossible d’improviser en fonction du niveau de mes clients ou de la météo », argumente un accompagna­teur en montagne. L’adhésion à la marque Esprit parc national impose, certes, certaines contrainte­s, mais chacun est libre d’y adhérer ou non. Et la réussite du label sera liée à la dynamique économique des acteurs locaux, qui choisiront ou non d’y adhérer. Tout comme les élus qui ont choisi, ou non, d’adhérer à la charte. Reste que les parcs nationaux, dans le monde entier, sont un vecteur de développem­ent durable, une garantie de préservati­on de l’environnem­ent et de mise en valeur d’un territoire, favorisant, quoi qu’on en dise, l’attractivi­té touristiqu­e.

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Le refuge d’Ayous et le lac Gentau, dans le massif du pic du Midi d’Ossau.
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