LES BALCONS DE CHAMONIX
LE MONT BLANC, LA MER DE GLACE, L’AIGUILLE VERTE, LES DRUS… SUR LES HAUTEURS DE CHAMONIX, VÉRITABLE BELVÉDÈRE SUR LE MASSIF, L’AMBIANCE EST ASSURÉMENT… PANORAMIQUE.
L’arrivée au large et panoramique col de Balme, ou le retour en France, dominant la vallée de l’Arve, annonce un peu « le début de la fin » de ce TMB. Mélange d’excitation et un léger pincement au coeur, déjà. Les 950 mètres de montée depuis Trient au départ de la Peuty ont été un pur régal, via un excellent sentier en forêt d’aroles, puis des lacets soutenus en prairie jusqu’aux bergeries des Herbagères. Un dernier coup de collier sur un large chemin muletier nous a enfin conduits à l’imposant hôtel-refuge coiffant le col de Balme, frontière franco-suisse à 2 191 mètres et offrant de splendides envolées visuelles vers la Verte, le mont Blanc et ses aiguilles. Visite de courtoisie dans ce lieu aussi vénérable qu’historique, au décor quasi immuable, depuis sa création en 1887. La patronne, Lucienne Simond-Bossoney, est toujours fidèle au poste du haut de ses quatre-vingtun ans ; cela fait soixante-six ans qu’elle reçoit des touristes, et surtout des randonneurs, avec un mélange de familiarité bougonne et d’humanité sourcilleuse : quantité de petits billets griffonnés de sa main et collés aux murs, mettent en garde le client, avertissent le consommateur, avisent le visiteur. Cocasse !
MERVEILLES CACHÉES
Premier détour : le sommet de la Croix de Fer, à 2 343 mètres, irrésistible belvédère rocheux surplombant les vallées alentour, au bout d’une jolie arête facile. Puis autre crochet à la tête de Balme au-dessus des sources de l’Arve. Enfin, ultime digression vers le charmant lac de Catogne, bien caché derrière une butte, prélude à une merveilleuse tourbière envahie d’un ondoyant tapis
Après dix jours passés loin du monde, l’apothéose s’étale en panoramique, de la Mer de Glace au mont Blanc
de linaigrettes, un spectacle d’une grande poésie. Retour à Balme inférieur par le chemin des Posettes et nuitée au gîte d’alpage de Charamillon. La super adresse du coin, loin des foules, avec vue imprenable depuis la crête juste au-dessus, sur l’aiguille Verte et les Drus. Avec, en bonus, une table de grande qualité ! L’étape du lendemain se révèle d’anthologie : au lieu de descendre directement sur le Tour, je m’offre une remontée tranquille au col des Posettes qui embrasse du regard la vallée de Vallorcine, la montagne du Buet, le lac d’Émosson, le massif du Mont-Blanc et ses satellites. J’enchaîne avec une grandiose descente sur Tré-le-Champ (1 417 m) via l’aérienne arête des Frettes. Retour furtif à la « civilisation » en traversant la nationale juste sous le col des Montets, au moment précis où – nouveau hasard du timing ! – passent les coureurs d’une autre course de l’UTMB, l’OCC, ou Orcières-Champex-Chamonix : excitation palpable, foule colorée des badauds, trafic automobile erratique et klaxons tonitruants… VUE CINQ ÉTOILES Vite, replonger de l’autre côté, versant aiguilles Rouges, pour une longue montée sous le cagnard vers l’aiguillette d’Argentière, insolite monolithe de granite où des apprentis grimpeurs viennent faire leurs dents. Au-delà, démarre un long passage aérien, type rando du vertige, avec moult
échelles et mains courantes, permettant au randonneur de prendre très vite de l’altitude et, via le carrefour de la Tête-aux-Vents, de gagner les jolis lacs vert et bleu des Chéserys. Ces derniers annoncent un autre lac, la star des aiguilles Rouges : le lac Blanc et son panorama époustouflant, accolé à son petit refuge en bois. Vision de paradis à 2 355 mètres : une terrasse à la vue cinq étoiles, des baigneurs d’altitude qui s’éclaboussent en riant, un jeune couple qui pose devant le mont Blanc en robe immaculée et smoking pour ses photos de mariage, le restaurant du refuge soudain déserté au moment du dessert, lorsqu’une ribambelle de jeunes bouquetins facétieux font irruption devant les fenêtres, prenant un malin plaisir à cabotiner autour des ombres qui s’allongent… Et, surtout, une palette de reflets magiques, à l’heure dorée : le toutChamonix des aiguilles et des sommets d’argent du massif se retrouve là, transcendé, transformé en or dans un miroir devenu eaux philosophales par la grâce de la lumière vespérale. Incontournable !
Dernière étape presque à reculons, tant on ne souhaite pas que le TMB s’arrête déjà, avec sa moisson quotidienne de découvertes et de sensations fortes. Le chemin traverse la bordure orientale du massif des aiguilles Rouges, quittant la réserve naturelle juste avant le téléphérique de la Flégère. De tous côtés, de l’Index aux aiguilles Crochues, des grimpeurs sont accrochés dans des voies et le ballet de leurs évolutions dessine une chorégraphie fascinante. Nombre de randonneurs, cédant à la facilité, attrapent ici le téléphérique et rentrent directement à Chamonix, mais reste encore une belle étape pour réellement boucler le TMB. Il faut continuer en balcon vers l’alpage de Charlanoz, passer les télécabines de Planpraz, puis du Brévent (autres échappatoires tentantes) et poursuivre jusqu’à Bellachat, charmant refuge-belvédère à 2 136 mètres, accroché quasiment face aux Trois Monts Blancs, une vision aussi spectaculaire que son voisin du lac Blanc mais nettement moins courue. Il suffit alors, l’ultime jour, de poursuivre en direction du carrefour de Merlet. On peut effectuer un petit détour par le parc animalier éponyme, où sur le territoire d’alpage d’une ancienne ferme, on côtoie chamois, bouquetins, mouflons, marmottes, daims et biches, dans un cadre enchanteur (jolis chalets traditionnels), face à l’aiguille du Midi et aux gigantesques langues glaciaires de Taconnaz et des Bossons. Dernier arrêt au Christ-Roi, insolite statue géante de vingt-cinq mètres de hauteur jaillissant de la forêt près du Coupeau. Ne reste alors plus qu’à se laisser glisser en sous-bois jusqu’aux Houches. Terminus !
Tandis que le soleil file sous l’horizon, on retrouve la quiétude des soirées à la table du refuge, à l’heure où s’embrasent les sommets