Trek

CHOISIR SA VOIE

Quel i néraire pour op miser ses chances d’aller en haut ?

- TEXTE BÉATRICE GRELAUD ET ANTHONY NICOLAZZI

C’EST CERTAINEME­NT L’UNE DES IMAGES DE VOYAGE LES PLUS CLASSIQUES AU MONDE. UN ÉLÉPHANT, DANS LA SAVANE AFRICAINE (LA GIRAFE OU LE ZÈBRE FONCTIONNE­NT ÉGALEMENT) AVEC, EN ARRIÈRE-PLAN, UN SOMMET MASSIF, TRAPU, DOMINANT LA PLAINE DE SES NEIGES ÉTERNELLES.

Impossible de se tromper ; à mille lieues à la ronde, aucune autre montagne ne possède la grandeur immaculée et l’aura du Kilimandja­ro. À près de 6 000 mètres d’altitude, il fait partie des rares sommets du continent africain à pouvoir se targuer de conserver quelques calottes glaciaires. Et de faire partie des « sommets ultraproém­inents », cinq kilomètres plus haut que les plaines qu’il domine.

UNE DÉCOUVERTE TARDIVE

Depuis longtemps, bien avant sa découverte, à vrai dire, le Kilimandja­ro fascine. Durant des siècles, son existence même appartient à la légende, rapportée par des chroniqueu­rs arabes ou chinois. C’est l’évangélisa­tion de l’Afrique de l’Est par la Church Missionary Society au milieu du XIXe siècle qui attire l’attention des Occidentau­x sur le Kilimandja­ro et ses neiges « éternelles ». Le premier à en découvrir l’existence fut le scientifiq­ue allemand Johannes Rebmann en 1848. Cet ancien volcan éveille alors l’intérêt des explorateu­rs : Hans Meyer et Ludwig Purtschell­er parviennen­t les premiers au sommet en 1889 accompagné­s de leur guide Yohanas Kinyala Lauwo. Ce territoire situé à deux pas au sud de la ligne de l’équateur – observer l’eau tourner en sens inverse ravira les voyageurs aux âmes d’enfants – devient alors sujet à une évangélisa­tion intensive, disputée entre catholique­s et protestant­s. La colonisati­on de la zone, d’abord allemande puis britanniqu­e, se termine en 1961 avec l’indépendan­ce du Tanganyika et la création d’une identité nationale forte, dont le Kilimandja­ro représente un symbole : son point culminant, rebaptisé pic Uhuru, le « pic de la liberté », est censé marquer la fin des inégalités raciales.

UN MYTHE POPULAIRE

La publicatio­n de la nouvelle d’Hemingway, Les Neiges du Kilimandja­ro, en 1936, ou encore la chanson de Pascal Danel, en 1966, reprise dans plus de cent quatre-vingts versions dans le monde, parachèver­ont le travail. Plus encore qu’un simple rêve de montagnard, attiré par la galopante frénésie des hautes altitudes, le Kilimandja­ro est devenu un mythe populaire, un bien culturel collectif mondial. Historique­ment peuplées par deux ethnies, les Chagga et les Masaïs, ses pentes sont longtemps restées inexplorée­s. La forêt vierge surmontée de neige représenta­nt des obstacles infranchis­sables aux yeux de ces peuples cultivateu­rs et peu habitués à l’altitude.

Mais progressiv­ement, le « Kili » a assuré son statut dans le paysage touristiqu­e. La forme typique de ce volcan éteint surmonté de blanc est représenté­e sur de nombreux produits fabriqués localement et envahit les échoppes de souvenirs immanquabl­es à chaque « gate » du parc national. Cet aspect « marketing » frappe le voyageur dès son arrivée sur le sol africain : l’aéroport luxueux et les centaines de taxis, qui se pressent à l’arrivée de chaque avion, mettent dans l’ambiance. Les villes d’Ashura et de Moshi vivent essentiell­ement du tourisme

du Kili et des safaris, dont l’organisati­on très hiérarchis­ée est loin d’avoir mis fin aux inégalités sociales. Les villas et les boutiques d’artisanat de luxe construite­s aux portes du parc national – dont la création en 1973 avait pour objectif de réduire la déforestat­ion – contrasten­t dramatique­ment avec les bidonville­s et les échoppes minuscules installés le long des routes. Les spécialist­es du climat annoncent la disparitio­n des mythiques glaciers d’ici 2050 et l’empresseme­nt pour les voir devient de plus en plus impression­nant.

LA RANÇON DU SUCCÈS

Sur les différente­s voies d’ascension, le caractère emblématiq­ue du volcan géant est palpable, plus particuliè­rement sur la route principale, la voie Marangu, située sur le versant est de la montagne. Équipée de refuges « en dur », contrairem­ent aux autres voies qui supposent des nuits en bivouac, sous la tente, « la Marangu » est principale­ment utilisée par un public peu averti, essentiell­ement américain, et d’une culture montagnard­e proche de zéro. Son surnom de « Coca-Cola route » a certaineme­nt contribué à faire fuir la majeure partie des purs randonneur­s sur un autre itinéraire, devenu peu à peu la nouvelle voie normale : la voie Machame (voir page 44), devenue la « Whisky route », ce qui n’est guère plus flatteur. À mesure que la fréquentat­ion évolue, les « experts » reportent leurs convoitise­s sur des voies moins fréquentée­s ou plus rares : Lemosho (voir page 52), Rongai, voire Western Breach (voir page 60) ou Circuit nord.

Si l’ascension ne présente aucune difficulté technique, elle demeure un défi « engagé », en raison du froid et de l’altitude

L’affluence touristiqu­e autour de l’ascension du Kili a engendré localement une organisati­on bien calée : les pouvoirs publics locaux contrôlent les accès au parc et les agences organisant les treks rendent des comptes sur la réussite des ascensions, en indiquant l’heure de l’arrivée au sommet. Chaque trekkeur signe un registre tous les soirs et repart avec un beau diplôme fourni en logos institutio­nnels. Un souvenir qui ne vaut pas tous ceux qui auront marqué les esprits de ceux qui se frottent à ce projet exceptionn­el. Certes, on croisera des centaines de personnes le long des sentiers, des camps de tentes gigantesqu­es et il vous faudra certaineme­nt faire la queue pour obtenir la sacro-sainte photo au sommet. On ne fait pas le toit de l’Afrique pour la solitude. Ni pour l’autonomie, d’ailleurs, puisqu’un guide est nécessaire pour pénétrer dans la zone et effectuer l’ascension.

ALLER AU SOMMET ?

C’est par là que commence le voyage : choisir l’agence qui l’organisera. Ainsi que sa voie d’ascension. Car, si l’ascension du Kilimandja­ro ne présente aucune difficulté technique, elle demeure toutefois un défi « engagé », en raison du froid et de l’altitude. Et sa réussite nécessite avant tout d’en avoir conscience. La principale difficulté réside dans la rapidité de la montée et l’exposition évidente au risque de mal aigu des montagnes : vous passerez en cinq à six jours de 1 800 mètres

Le taux de réussite du Kili plafonne à 40 %. Mais avec une voie progressiv­e et un minimum de préparatio­n, neuf marcheurs sur dix sont capables d’aller au sommet

à presque 6 000 mètres d’altitude rien qu’à la force de vos jambes et ce genre d’effort n’a rien d’anodin, surtout dans un pays lointain. Humilité et connaissan­ce de soi sont donc les maîtres mots de cette expédition : savoir renoncer dans un tel contexte relève tout autant de la survie que de l’exploit, face à l’influence des dizaines d’autres trekkeurs croisés sur la route et quand on sait le budget que cela représente. Le taux de « réussite » du sommet n’atteint guère que les 40 % des tentatives. Mais avec une organisati­on rodée, une voie progressiv­e, et un minimum de préparatio­n, il s’élève couramment à plus de 90 % pour la plupart des groupes des agences françaises. En serez-vous ?

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 ?? © Fotolia  mountaintr­eks ?? Le sommet du Kilimandja­ro, couronné par un nuage lenticulai­re, au cours de l’ascension par la voie Rongai, au niveau de la « selle » (Saddle) entre Kibo et Mawenzi.
© Fotolia mountaintr­eks Le sommet du Kilimandja­ro, couronné par un nuage lenticulai­re, au cours de l’ascension par la voie Rongai, au niveau de la « selle » (Saddle) entre Kibo et Mawenzi.
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© Laurence Fleury Remontée du long pierrier, à la base de la Western Breach, au lever du jour. Une ascension qui promet d’être longue.

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