CHOISIR SA VOIE
Quel i néraire pour op miser ses chances d’aller en haut ?
C’EST CERTAINEMENT L’UNE DES IMAGES DE VOYAGE LES PLUS CLASSIQUES AU MONDE. UN ÉLÉPHANT, DANS LA SAVANE AFRICAINE (LA GIRAFE OU LE ZÈBRE FONCTIONNENT ÉGALEMENT) AVEC, EN ARRIÈRE-PLAN, UN SOMMET MASSIF, TRAPU, DOMINANT LA PLAINE DE SES NEIGES ÉTERNELLES.
Impossible de se tromper ; à mille lieues à la ronde, aucune autre montagne ne possède la grandeur immaculée et l’aura du Kilimandjaro. À près de 6 000 mètres d’altitude, il fait partie des rares sommets du continent africain à pouvoir se targuer de conserver quelques calottes glaciaires. Et de faire partie des « sommets ultraproéminents », cinq kilomètres plus haut que les plaines qu’il domine.
UNE DÉCOUVERTE TARDIVE
Depuis longtemps, bien avant sa découverte, à vrai dire, le Kilimandjaro fascine. Durant des siècles, son existence même appartient à la légende, rapportée par des chroniqueurs arabes ou chinois. C’est l’évangélisation de l’Afrique de l’Est par la Church Missionary Society au milieu du XIXe siècle qui attire l’attention des Occidentaux sur le Kilimandjaro et ses neiges « éternelles ». Le premier à en découvrir l’existence fut le scientifique allemand Johannes Rebmann en 1848. Cet ancien volcan éveille alors l’intérêt des explorateurs : Hans Meyer et Ludwig Purtscheller parviennent les premiers au sommet en 1889 accompagnés de leur guide Yohanas Kinyala Lauwo. Ce territoire situé à deux pas au sud de la ligne de l’équateur – observer l’eau tourner en sens inverse ravira les voyageurs aux âmes d’enfants – devient alors sujet à une évangélisation intensive, disputée entre catholiques et protestants. La colonisation de la zone, d’abord allemande puis britannique, se termine en 1961 avec l’indépendance du Tanganyika et la création d’une identité nationale forte, dont le Kilimandjaro représente un symbole : son point culminant, rebaptisé pic Uhuru, le « pic de la liberté », est censé marquer la fin des inégalités raciales.
UN MYTHE POPULAIRE
La publication de la nouvelle d’Hemingway, Les Neiges du Kilimandjaro, en 1936, ou encore la chanson de Pascal Danel, en 1966, reprise dans plus de cent quatre-vingts versions dans le monde, parachèveront le travail. Plus encore qu’un simple rêve de montagnard, attiré par la galopante frénésie des hautes altitudes, le Kilimandjaro est devenu un mythe populaire, un bien culturel collectif mondial. Historiquement peuplées par deux ethnies, les Chagga et les Masaïs, ses pentes sont longtemps restées inexplorées. La forêt vierge surmontée de neige représentant des obstacles infranchissables aux yeux de ces peuples cultivateurs et peu habitués à l’altitude.
Mais progressivement, le « Kili » a assuré son statut dans le paysage touristique. La forme typique de ce volcan éteint surmonté de blanc est représentée sur de nombreux produits fabriqués localement et envahit les échoppes de souvenirs immanquables à chaque « gate » du parc national. Cet aspect « marketing » frappe le voyageur dès son arrivée sur le sol africain : l’aéroport luxueux et les centaines de taxis, qui se pressent à l’arrivée de chaque avion, mettent dans l’ambiance. Les villes d’Ashura et de Moshi vivent essentiellement du tourisme
du Kili et des safaris, dont l’organisation très hiérarchisée est loin d’avoir mis fin aux inégalités sociales. Les villas et les boutiques d’artisanat de luxe construites aux portes du parc national – dont la création en 1973 avait pour objectif de réduire la déforestation – contrastent dramatiquement avec les bidonvilles et les échoppes minuscules installés le long des routes. Les spécialistes du climat annoncent la disparition des mythiques glaciers d’ici 2050 et l’empressement pour les voir devient de plus en plus impressionnant.
LA RANÇON DU SUCCÈS
Sur les différentes voies d’ascension, le caractère emblématique du volcan géant est palpable, plus particulièrement sur la route principale, la voie Marangu, située sur le versant est de la montagne. Équipée de refuges « en dur », contrairement aux autres voies qui supposent des nuits en bivouac, sous la tente, « la Marangu » est principalement utilisée par un public peu averti, essentiellement américain, et d’une culture montagnarde proche de zéro. Son surnom de « Coca-Cola route » a certainement contribué à faire fuir la majeure partie des purs randonneurs sur un autre itinéraire, devenu peu à peu la nouvelle voie normale : la voie Machame (voir page 44), devenue la « Whisky route », ce qui n’est guère plus flatteur. À mesure que la fréquentation évolue, les « experts » reportent leurs convoitises sur des voies moins fréquentées ou plus rares : Lemosho (voir page 52), Rongai, voire Western Breach (voir page 60) ou Circuit nord.
Si l’ascension ne présente aucune difficulté technique, elle demeure un défi « engagé », en raison du froid et de l’altitude
L’affluence touristique autour de l’ascension du Kili a engendré localement une organisation bien calée : les pouvoirs publics locaux contrôlent les accès au parc et les agences organisant les treks rendent des comptes sur la réussite des ascensions, en indiquant l’heure de l’arrivée au sommet. Chaque trekkeur signe un registre tous les soirs et repart avec un beau diplôme fourni en logos institutionnels. Un souvenir qui ne vaut pas tous ceux qui auront marqué les esprits de ceux qui se frottent à ce projet exceptionnel. Certes, on croisera des centaines de personnes le long des sentiers, des camps de tentes gigantesques et il vous faudra certainement faire la queue pour obtenir la sacro-sainte photo au sommet. On ne fait pas le toit de l’Afrique pour la solitude. Ni pour l’autonomie, d’ailleurs, puisqu’un guide est nécessaire pour pénétrer dans la zone et effectuer l’ascension.
ALLER AU SOMMET ?
C’est par là que commence le voyage : choisir l’agence qui l’organisera. Ainsi que sa voie d’ascension. Car, si l’ascension du Kilimandjaro ne présente aucune difficulté technique, elle demeure toutefois un défi « engagé », en raison du froid et de l’altitude. Et sa réussite nécessite avant tout d’en avoir conscience. La principale difficulté réside dans la rapidité de la montée et l’exposition évidente au risque de mal aigu des montagnes : vous passerez en cinq à six jours de 1 800 mètres
Le taux de réussite du Kili plafonne à 40 %. Mais avec une voie progressive et un minimum de préparation, neuf marcheurs sur dix sont capables d’aller au sommet
à presque 6 000 mètres d’altitude rien qu’à la force de vos jambes et ce genre d’effort n’a rien d’anodin, surtout dans un pays lointain. Humilité et connaissance de soi sont donc les maîtres mots de cette expédition : savoir renoncer dans un tel contexte relève tout autant de la survie que de l’exploit, face à l’influence des dizaines d’autres trekkeurs croisés sur la route et quand on sait le budget que cela représente. Le taux de « réussite » du sommet n’atteint guère que les 40 % des tentatives. Mais avec une organisation rodée, une voie progressive, et un minimum de préparation, il s’élève couramment à plus de 90 % pour la plupart des groupes des agences françaises. En serez-vous ?