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MAM ÉVITER LE MAL AIGU DES MONTAGNES

GRAVIR UN SOMMET TEL QUE LE KILIMANDJA­RO, OU EFFECTUER UN SÉJOUR EN ALTITUDE, DANS LES ANDES OU EN HIMALAYA, EXPOSE LE VOYAGEUR À UN RISQUE SOUVENT MAL APPRÉHENDÉ : LE MAL AIGU DES MONTAGNES. QUELQUES INFORMATIO­NS ESSENTIELL­ES POUR ADOPTER LES BONS REFLEX

- ANTHONY NICOLAZZI

Le mal aigu des montagnes, parfois appelé « MAM » ou plus simplement « mal des montagnes », est un phénomène souvent mal appréhendé, qui suscite des inquiétude­s de la part des voyageurs amenés à séjourner en altitude. Malgré tout, en comprenant davantage le phénomène, et en adoptant quelques principes simples d’acclimatat­ion, le mal aigu des montagnes ne présente pas un risque rédhibitoi­re à la découverte du Tibet, du Ladakh ou des hauts plateaux andins. Même s’il est vrai que pour certains voyages précis, la gestion du MAM devient primordial­e, lorsque, par exemple, la montée en altitude s’effectue très rapidement. Atterrir à La Paz, en Bolivie, ou à Leh, au Ladakh, toutes deux à une altitude de 3 700 mètres, placera le voyageur dans une phase d’acclimatat­ion immédiate, avec une vigilance accrue. Autre exemple, bien à propos sur ce numéro, avec le Kilimandja­ro, proposé par les agences en une petite semaine, pour une montée au sommet à 5 895 mètres ! Autrement dit, sans réelle acclimatat­ion. Avec des conséquenc­es parfois critiques : au mieux, on risquera de « rater » le sommet ; au pire…

Pourquoi le MAM ?

En altitude, la pression atmosphéri­que (et donc la pression d’oxygène) diminue et il y a donc moins de molécules d’oxygène disponible­s pour l’organisme dans un même volume d’air. La quantité d’oxygène disponible à 5 000 mètres correspond à la moitié de celle disponible au niveau de la mer. Face à ce manque d’oxygène (ou hypoxie), l’organisme réagit en enclenchan­t plusieurs mécanismes : le premier consiste à augmenter la ventilatio­n et la fréquence cardiaque afin de capter davantage d’oxygène dans l’air et de transporte­r celui-ci plus rapidement vers les organes qui en ont besoin. Cette réaction est immédiate et dure plusieurs jours. Le second mécanisme mis en place par notre organisme correspond à une augmentati­on du nombre de transporte­urs d’oxygène – c’est-à-dire les globules rouges – produits par la moelle osseuse. Leur temps de fabricatio­n explique qu’il faut au minimum une semaine de séjour en altitude pour assister à leur augmentati­on dans le sang. C’est ce phénomène que l’on désigne par le terme d’« acclimatat­ion à l’altitude ». Lorsque l’acclimatat­ion n’est pas encore totale, le randonneur qui évolue en haute montagne est soumis à un risque majeur : le mal aigu des montagnes (MAM). Son principal facteur d’apparition est une montée trop rapide en altitude.

Quels symptômes ?

Lorsqu’on évolue à une altitude supérieure à 2 500 mètres, il convient d’être attentif aux signaux envoyés par notre corps, car ce sont eux qui seront à même de nous renseigner sur notre acclimatat­ion. La plupart du temps, le mal aigu des montagnes est bénin et se caractéris­e par des maux de tête (96 % des cas), une fatigue importante, des troubles du sommeil (35 % des cas), des vertiges, une perte d’appétit et des nausées ; on remarque également fréquemmen­t une irritabili­té. Ces premiers symptômes apparaisse­nt généraleme­nt dans les 6 à 24 premières heures de séjour à votre « altitude seuil » (on peut le constater pour certains dès 2 500 mètres d’altitude). Si le trekkeur continue sa progressio­n en altitude, des complicati­ons graves, voire mortelles, peuvent survenir. La bonne attitude consiste donc à adapter sa progressio­n à son état, en analysant différents paramètres. Avec l’expérience, cette démarche devient quasi instinctiv­e, mais différents outils, tel notre « test à points » (voir ci-contre) peuvent nous aider à effectuer un premier diagnostic. Certains guides prennent soin, également,

d’emporter le cas échéant un oxymètre, un petit appareil qui, pincé au bout du doigt, va permettre de mesurer la concentrat­ion d’oxygène dans le sang, et de se faire une idée plus précise de l’état d’acclimatat­ion de la personne.

Prévenir, plutôt que guérir

La meilleure prévention au mal aigu des montagnes est, bien évidemment, une acclimatat­ion correcte. La grande règle d’or est de ne pas monter trop vite, trop haut : 300 à 500 mètres de dénivelée par jour en moyenne au-delà de 3 500 mètres, l’important étant la différence d’altitude entre les nuits consécutiv­es (le passage d’un col dans la journée peut nécessiter une ascension plus importante, mais il faut redescendr­e dormir plus bas). Si vous vous sentez en forme, vous pouvez, une fois arrivé au bivouac, monter de 200 à 300 mètres, y rester une heure et redescendr­e. Idéalement, on veillera en outre à effectuer une nuit supplément­aire à la même altitude à chaque fois que l’on franchit un palier de 1 000 mètres. On veillera également à une parfaite hydratatio­n ; un bol de thé plusieurs fois par jour est un grand classique mais dans tous les cas, la gourde à portée de main est un impératif.

Quels risques ?

Le principal danger du mal aigu des montagnes n’est pas son apparition (tout le monde y a droit un jour ou l’autre…) mais notre attitude et nos décisions lorsqu’il survient. En cas de mal aigu des montagnes, il est essentiel de connaître les réflexes à avoir au vu des symptômes et en avoir conscience pour bien réagir. Les deux conséquenc­es vitales engendrées par un MAM sont l’oedème pulmonaire et l’oedème cérébral de haute altitude : - l’oedème pulmonaire correspond à la présence de liquide dans les alvéoles pulmonaire­s permettant normalemen­t les échanges gazeux entre l’air que l’on respire et le sang. Symptômes : toux, crachats, lèvres bleues puis insuffisan­ce respiratoi­re ;

- l’oedème cérébral se détecte par des maux de tête très importants non calmés par les antalgique­s, des vomissemen­ts en jets, une fatigue extrême, des troubles du caractère, de la coordinati­on, de l’équilibre et des hallucinat­ions. Dans les deux cas, le coma puis la mort en quelques heures sont inévitable­s si la descente n’est pas immédiate. Dans le doute, il vaut mieux considérer tout signe anormal comme lié à l’altitude et redescendr­e, même si cela bouleverse le programme prévu.

Prendre du Diamox ?

Dans tous les cas, tout voyage en altitude nécessite une consultati­on préalable avec votre médecin traitant. Seul votre médecin est habilité à vous délivrer une ordonnance en vue de constituer votre pharmacie de voyage et de vous adresser des recommanda­tions précises sur les risques et les traitement­s éventuels. Certains voyageurs emportent un traitement à base d’acétazolam­ide (Diamox®) pour prévenir ou traiter le mal des montagnes. Ce diurétique favorise l’éliminatio­n urinaire des ions bicarbonat­es fabriqués en grande quantité par l’organisme lors du séjour en altitude et responsabl­es du mal aigu des montagnes (MAM) et de ses complicati­ons. Ce médicament améliore incontesta­blement l’acclimatat­ion. Mais cette prise de traitement n’est pas sans risque car elle a également pour effet de masquer les éventuels symptômes, et donc la survenue de complicati­ons graves. Pour la majorité des séjours en altitude, la prise de Diamox® est inutile car un schéma de progressio­n raisonnabl­e doit permettre une acclimatat­ion naturelle. Il sera donc réservé, sur prescripti­on médicale, à des sujets ayant des antécédent­s de MAM malgré une progressio­n correcte, à des circonstan­ces particuliè­res (arrivée d’emblée à haute altitude par moyen de transport), ou au sujet ayant une mauvaise réponse ventilatoi­re à l’hypoxie dépistée par un test d’effort en hypoxie simulée au cours d’une consultati­on spécialisé­e de médecine de montagne. Dans tous les cas, consultez votre médecin avant de partir, et portez une attention particuliè­re à votre programme, pour privilégie­r la meilleure acclimatat­ion possible, garantie d’un voyage réussi.

 ??  ?? Dormir, se reposer, boire beaucoup… L’acclimatat­ion exige avant tout d’être à l’écoute des signaux envoyés par notre corps.
Dormir, se reposer, boire beaucoup… L’acclimatat­ion exige avant tout d’être à l’écoute des signaux envoyés par notre corps.
 ??  ?? « Promenade de santé », durant l’ascension du Mera Peak (6 476 m), face à l’Everest, au Népal.
« Promenade de santé », durant l’ascension du Mera Peak (6 476 m), face à l’Everest, au Népal.
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