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DE L’ART DE L’ÉPHÉMÈRE

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

Parmi mes bonnes résolution­s de cette année 2020, je me suis promis, une année de plus, de ne pas vous parler de pêche à la mouche. Ceux qui ont la malchance de m’avoir à leur table pour dîner savent pourtant que de l’art du lancer en revers ou que le choix d’une « oreille de lièvre » ou d’un « cul de canard » ont pris, ces dernières années, des proportion­s boulimique­s dans ma vie. Et encore, je ne vous parlerai que de pêche à la mouche, car entre le lavaret (en bon français, le corégone, dont la pêche, traditionn­elle, est très populaire dans les lacs alpins) et les lacs de montagne, il y a largement de quoi occuper plusieurs gueuletons. Bref. Je m’en tiendrai là pour le moment, promis c’est promis. Non pas que le sujet ne soit pas instructif, bien au contraire. J’ai même fini par comprendre en quoi il m’intéressai­t, figurez-vous. J’ai longtemps éprouvé une forme de « honte » à m’affirmer comme « pêcheur ». Jusqu’à ce matin de mai. Je vous dresse le tableau. Huit heures. Je suis les pieds dans l’eau, dans un torrent de montagne depuis bonnement une heure et demie. Et le soleil filtre soudain à travers le feuillage, élevant sur la rivière un voile de brume évanescent­e. Pas un bruit, si ce n’est quelques oiseaux et le flux du cours d’eau. Tout est merveilleu­sement beau. À tel point que j’en pose ma canne. La nature m’imprègne, tout entier. Dans mes veines, mes poumons, à travers chaque pore de ma peau.

Précisons, au passage, que je suis à dix minutes de la maison, et dans un état d’extase tel que j’ai pu l’être en Himalaya ou dans le Sahara. Alors comprenez à quel point cette bonne résolution 2020 — ne pas mélanger totalement mon intérêt personnel et celui de mon lecteur — est déjà une souffrance pour moi. Car comme nombre d’entre vous, j’ai eu la chance et le bonheur de parcourir un certain nombre de pays. Et fondamenta­lement, ce qui me guide aujourd’hui à travers les pages de ce magazine, est de partager avec vous ces petits bonheurs vécus / à vivre. Cette merveille qu’est le monde qui nous entoure, je vous souhaite à tous de le ressentir pleinement tout au long de cette année 2020. Et c’est promis, je ne vous parlerai pas de pêche à la mouche, même si elle a achevé de me convaincre que ce monde merveilleu­x commençait… à nos portes. Qu’il était là, à chaque instant, devant nous, ne demandant qu’à être saisi délicateme­nt entre nos mains, admiré, honoré, et reposé à sa place, tel qu’on l’avait trouvé. En attendant, pardonnez-moi; il me reste quelques éphémères à monter avant l’ouverture… Très bonne année 2020 !

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