Trek

TOUS LES ITINÉRAIRE­S ET VARIANTES

- TEXTE : VOLODIA PETROPAVLO­VSKY

Un mythe haut de 8 000 m. Un massif isolé et oublié jusqu’en 1950, lorsqu’une expédition françAISE S’AVENTURA DANS LES CONfiNS DU NéPAL POUR entreprend­re l’ascension de son sommet principal, l’Annapurna 1. « Une citadelle de glace dont la cime émerge de rempart moins élevés », comme le décrira le cinéaste Marcel Ichac, propulsée brutalemen­t sur la scène internatio­nale comme le premier 8 000 m de l’histoire. Massif et sommet principal, aux noms identiques, deviennent alors l’égérie des grandes aventures d’après-guerre. Pris en étau entre les vallées de la Marsyangdi à l’est et de la Kali Gandaki à l’ouest, le chaînon s’impose comme une barrière infranchis­sable entre Pokhara et le nord du Népal. Pas moins de huit sommets de plus de 7000 m Edont les Annapurna I, II, III et IV) dessinent son impression­nante ligne qui tutoie les nuages les plus élevés. Un univers hostile, protégé par des vallées non moins sauvages qu’il a fallu remonter au prix d’efforts considérab­les.

Pas de piste et encore moins de route : le Népal des premières conquêtes himalayenn­es est un pays fermé et sous-développé à l’extrême. Dans les années 1950, une infime minorité de locaux peut se targuer d’avoir rencontré des Occidentau­x, le pays ne s’ouvrant qu’à quelques cordées. Il faut attendre une décennie plus tard, à la fin des années 1960 pour que les touristes, attirés par la promesse de randonnées extrêmes, y soient les bienvenus. Mais les voyageurs devront encore patienter jusqu’en 1977 pour que le massif des Annapurna s’ouvre enfin au trekking. Et passe, en peu de temps, d’un monde perdu à la région la plus convoitée de l’Himalaya.

PREMIER NÉPAL

L’immensité des paysages, la diversité et la richesse de la nature et des cultures apportent à cette région une aura planétaire. C’est la consécrati­on : le tour des Annapurna devient le trek le plus parcouru de l’Himalaya et restera longtemps considéré comme l’un des plus beaux du monde. L’itinéraire, en fait un demi-cercle par le nord, part de Besisahar et arrive à Birethanti / Naya Pul. Il a tout pour plaire : deux semaines de marche au bas mot, à une altitude qui s’étage entre 900 m et 5 416 m, lors du passage du Thorong La. Des vergers de pommes cultivés dans les villages à l’austérité lunaire des hauts cols encerclés par les plus hauts sommets de la Terre, le sentier est un condensé de ce que l’Himalaya offre de plus beau. Pour preuve, il figure au catalogue de la majorité des agences implantées au Népal.

Le nombre de touristes augmentant années après années, les vallées environnan­tes connaissen­t un développem­ent exponentie­l avec, comme corollaire, le chamboulem­ent de tout un modèle économique. Sur les versants, les lodges ont fleuri le long des sentiers. Des sentiers qui se transforme­nt progressiv­ement en pistes avec l’arrivée des pelles mécaniques. Ainsi, l’on peut désormais monter à Manang en jeep, à Jomsom ou Muktinath en bus, et commencer ou finir son tour au pied du Thorong La. En Himalaya comme ailleurs au Népal, la modernité a désenclavé les vallées et fait progresser le niveau de vie global des population­s de l’un des pays les plus pauvres du monde. Le tourisme comme facteur de développem­ent ? Si l’on ne peut que s’en réjouir, force est de constater que la grande aventure sportive et culturelle d’antan a

quelque peu perdu de son attrait. Plus de monde et moins de portions « sauvages » : sur le tour classique des Annapurna, seules quelques étapes contenues autour du Thorung La conservent leur caractère authentiqu­e.

LE NOUVEAU TOUR

Depuis quinze ans, cette nouvelle donne rebat les cartes et incite à envisager de nouvelles routes. Dépoussiér­age des classiques, itinéraire­s inédits, voyages exploratoi­res: les possibilit­és sont à l’image du terrain de jeu, immenses. En élargissan­t l’itinéraire des deux derniers jours du trek mythique, entre Tatopani et Birethanti via Ghorepani, la variante vers Ghandruk / Landruk et, plus récemment, le « tricotage » vers Khopra Danda ont revisité le secteur sud du massif, surnommé « balcons des Annapurna ». Celui que certains affublent du quolibet « d’Annapurna pour les nuls » propose ainsi de très beaux itinéraire­s proches de Pokhara, offrant des panoramas de premier ordre sans quitter le confort de la moyenne altitude, avec un maximum à 3 600 m. Le tout combinable, si on le souhaite, avec un aller-retour au Sanctuaire et au camp de base sud E4 150 m), au coeur du massif.

Ainsi le tour des Annapurna 2020 se réinvente avant tout par ses variantes. C’est dans les vallées adjacentes, peu connues, moins hospitaliè­res et plus engagées, que les nouvelles aventures prennent vie. En passant par les villages à l’allure tibétaine de Naar et Phu, après le col du Kang La E5 306 m), il devient la « Haute Route des Annapurna », qui serpente aussi par le lac de Tilicho E4 919 m) et le Mesokanto Nord E5 445 m) dans sa section ouest. Une route encore marginale Ecar encore dépourvue de lodges sur certaines étapes) parcourue par notre équipe lors d’un voyage avec nos lecteurs il y a deux ans, qui redonne à la voie historique toute son aura. Au nord-est de Pokhara, une vaste zone isolée reste à découvrir. Ni routes, ni villes : les bassins-versants de la Seti Khola et de la Madi Khola ont d’innombrabl­es merveilles à dévoiler. C’est d’ailleurs l’un de points d’entrée « expert » sur le nouveau tour, via le Namun La. Dans la vallée de la Marsyangdi, le futur s’inscrit dans un itinéraire encore plus confidenti­el entre Tache et Meta qui a été exploré par le guide Paulo Grobel, et intégré depuis dans le projet de trek des « Seven Passes ». Un itinéraire « pas simple à organiser car entièremen­t sous tente, mais l’un des plus beaux du massif », raconte celui qui le qualifie de « nouveau tour des Annapurna ». Éternel défricheur, ce passionné de l’Himalaya à la moustache de Gaulois improvise des routes toujours plus audacieuse­s. Sa dernière trouvaille : le « troisième col », aux frontières du Mustang. Preuve, s’il en était besoin, que les Annapurna sont éternels à ceux qui savent les rêver.

ANNIVERSAI­RE

Mais la véritable surprise du tour des Annapurna version 2020 est à chercher ailleurs, sur un itinéraire que personne ou presque n’avait imaginé. Une idée ? Elle est pourtant évidente. Voilà soixante-dix ans qu’elle nous crève les yeux et que personne ou presque n’a eu l’idée de s’y aventurer. D’une manière totalement étonnante, le camp de base historique de l’Annapurna, celui que l’on nomme « camp de base nord », ou « camp de base Herzog-Lachenal » est aux abonnés absents des grands itinéraire­s du massif. La chose s’explique: l’accès est tout sauf facile. Mais en ce soixante-dixième anniversai­re de la première ascension, c’est nos amis népalais ETej Gurung, responsabl­e du comité de tourisme de Narchyang, et les guides Jwaharlal Tulachan et Prem Rai) qui ont documenté l’itinéraire historique vers ce camp de base nord-ouest, avec un trek en boucle désormais accessible aux randonneur­s. Quel plus beau cadeau d’anniversai­re, et quel hommage, pour célébrer les soixante-dix ans de notre « premier 8 000 » ?

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