Trek

LE CAMP DE BASE HISTORIQUE

UN NOUVEL ITINÉRAIRE DANS LES ANNAPURNA ? APRÈS UNE RÉHABILITA­TION DU SENTIER D’ACCÈS, LE CAMP DE BASE HISTORIQUE REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE, SOIXANTE-DIX ANS APRÈS LE SUCCÈS DE L’EXPÉDITION FRANÇAISE.

- TEXTE : ANTHONY NICOLAZZI

Il y a soixante-dix ans (le 3 juin prochain plus précisémen­t), Maurice Herzog et Louis Lachenal foulaient le sommet de l’Annapurna, premier « 8 000 » de l’histoire. Cette gloire française, bien qu’entachée de polémiques, aura marqué l’alpinisme mondial d’une façon durable, et conféré à l’Annapurna une place à part dans le coeur des Français. Les observateu­rs avisés s’étonnent encore de ce « miracle » que représente la conquête du sommet. Deux mois plus tôt, l’expédition est encore en Inde, au pied de l’Himalaya, visant un « autre » candidat : le Dhaulagiri. La première partie du voyage voit se multiplier les reconnaiss­ances, sur les pentes du géant, ou sur celles – panoramiqu­es – de son voisin d’en face: l’Annapurna. Le 27 avril, Jean Couzy, Marcel Schatz

et le Dr Jacques Oudot explorent sur ce versant un système de vires qui s’enfoncent à l’intérieur de la combe nord-ouest de l’Annapurna. Ils l’ignorent encore, mais ils viennent de trouver la clé, la voie d’accès du premier 8 000. Ce n’est que le 15 mai que l’on décidera l’abandon du Dhaulagiri pour l’Annapurna. Herzog et Lachenal réaliseron­t le sommet à peine deux semaines plus tard.

INITIATIVE NÉPALAISE

Depuis, rares, très rares même, sont ceux qui ont eu l’occasion de suivre à nouveau cet itinéraire. Trop dangereux, et réservé aux alpinistes expériment­és. Jusqu’à ce que, il y a quelques années, dans cette vallée de la Kali Gandaki où, depuis la constructi­on de la route, on ne fait plus que passer, quelques défricheur­s s’intéressen­t à nouveau à cet itinéraire. Les communauté­s locales, consciente­s de l’intérêt économique que représente­rait la réhabilita­tion, voire la constructi­on d’un sentier, ont entrepris son réaménagem­ent. Des lodges communauta­ires sont également envisagés à Narchyang, au débouché de la Mristi Khola, tout droit descendue du camp de base historique. L’an passé, c’est le guide Prem Rai qui s’est attelé à documenter l’itinéraire (bit.ly/premrai-nabc). Guide de trekking installé à Pokhara, Prem Rai a contribué, cette dernière décennie, en compagnie du trekkeur allemand Andrées de Ruiter, à cartograph­ier et à baliser de très nombreux itinéraire­s dans le massif. Leur ouvrage Trekking the Annapurna Circuit est aujourd’hui la référence absolue en termes d’itinéraire dans le massif. Au départ de Kalopani ou Lete, le sentier remonte la rive gauche de la Kali Gandaki sous les épaulement­s du Nilgiri Sud (6 839 m), pour atteindre le col de Thulo Bugin (4 310 m) – la fameuse « brèche du 27 avril » de la carte de Marcel Ichac. Un « amphithéât­re face aux Dhaulagiri, Nilgiri, Annapurna I et Fang » relate Prem Rai. Pour accéder au coeur du massif, le sentier poursuit à flanc, par une alternance de montées / descentes, avant de plonger plus franchemen­t vers la Mristi Khola, en contrebas. De là, la vallée s’élargit progressiv­ement pour atteindre, à 4 200 m d’altitude, les rives des lacs glaciaires de Diki Cho. « D’énormes cascades de glace vous donne le sentiment d’une planète différente » s’enthousias­me le guide népalais.

FUTUR CLASSIQUE ?

Mais l’intérêt de ce nouvel itinéraire serait incomplet s’il s’agissait d’un simple aller-retour. Car pour rejoindre la vallée, au retour, c’est par les gorges de la rivière que s’insinue ce nouveau « Maurice Herzog trail », le long de cascades impression­nantes, dans un environnem­ent hostile. « Les sentiers entre Humkhola Dovan et le camp de base sont faciles (pour un Népalais) et bien entretenus » nous dit encore Prem Rai. « Pour faire ce trek, vous devez connaître le meilleur moment ou la meilleure saison (de mai à mi-juin et de mi-septembre à mi-octobre), savoir si la neige est totalement fondue et, juste après la fin de la mousson, alors que la plupart des ponts en bois ont été balayés, être accompagné­s de personnes capables de fabriquer des ponts, si nécessaire ». Deux options sont possibles, par la gorge en aller-retour, et avec un aller via la brèche du 27 avril avant une redescente dans la rivière. Le tout pour un itinéraire d’une soixantain­e de kilomètres aujourd’hui encore réservé aux experts et que nous n’avons, pour notre part, pas encore eu l’occasion d’éprouver, mais nul doute que cette nouvelle alternativ­e aux sentiers existants est susceptibl­e de devenir, à terme, l’un des terrains sauvages parmi les plus accessible­s du Népal. Si le « tour » des Annapurna tel qu’on l’a connu n’a plus guère à voir avec l’expérience qu’il nous offrait il y a encore quelques décennies, le massif n’a probableme­nt encore pas totalement fini de nous surprendre et de nous éblouir...

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© Prem Rai. Le lac glaciaire de Diki Cho, au pied de la face nord-ouest de l’Annapurna I (8 091 m)

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