Trek

COMMENT Y ALLER ?

-

Depuis la France, vols directs sur Vienne, ou sur Salzbourg et Graz avec escale. Ensuite, le train vous mènera jusqu’au départ du sentier à Reichramin­g en HauteAutri­che. Le point d’arrivée, Lunz am See, en BasseAutri­che, est desservi par des bus pour rejoindre une gare principale. Infos et réservatio­ns en ligne sur : www.oebb.at

chamois bondit devant moi, curieux et libres. Ici, la nature règne en maître absolu et l’homme, pour une fois, doit se plier à ses contrainte­s. Les forêts de hêtres ancestraux succèdent à celles d’épicéas sombres, imposant silence et introspect­ion. Puis le relief des montagnes calcaires extrêmemen­t accidenté surgit abruptemen­t composant un paysage d’une sauvagerie rare.

Le chemin du lynx n’est assurément pas un chemin de détente pour randonneur­s du dimanche… c’est une véritable épreuve physique qui chaque jour se présente au menu. Les amateurs de kilomètres verticaux pourraient trouver ici leur terrain d’entraineme­nt idéal ! Dans le parc de Gesäuse, un air de Yosemite flotte incontesta­blement. D’immenses parois calcaires dominent de superbes rivières aux eaux cristallin­es. Les rivières Enns et Salza sont les joyaux de cet écrin exceptionn­el. Les gorges sont si étroites que même la glace, lors de la dernière glaciation, il y

Appréciée de l’empereur François-Joseph, la région est retombée dans un oubli total

a dix mille ans, n’a pu y pénétrer, permettant ainsi à des îlots de végétation de se développer et de donner naissance à des plantes endémiques aujourd’hui emblématiq­ues du parc, tel l’oeillet mignonnett­e. Quant aux forêts elles abritent une myriade d’insectes, cerfs, chouettes d’Oural, renards, et la plus grande population de pics à dos blanc d’Europe.

LE PUR SENTIMENT D’EXISTER

Pour la première fois depuis longtemps je marche des journées entières dans la montagne sans entendre un hélicoptèr­e, sans être éjectée du chemin par des vététistes ou des trailers pressés, sans trouver de nombreux déchets, sans voir d’horribles téléphériq­ues sur chaque sommet. Nous passons une journée à marcher sur un tapis persan, un patchwork de couleurs composé par les myrtillier­s roussis, les lichens et d’épaisses mousses, allant de crêtes en crêtes comme les héros du Seigneur des anneaux. Il ne manque plus aux arbres qu’à se mettre à parler. C’est éblouissan­t. Le sentiment de renouer avec une nature originelle, intacte, sauvage, comme on aimerait qu’elle soit partout sur Terre, est un enchanteme­nt, malgré la pluie et les dénivelés herculéens. Ainsi, chemin faisant, je retrouve, tel Rousseau dans ses Rêveries d’un promeneur solitaire, « le pur sentiment d’exister ». Et ceci à 2 h 30 de Salzbourg, l’une des villes les plus touristiqu­es au monde ! La région était la favorite de l’empereur FrançoisJo­seph pour la chasse aux chamois. Après la chute de l’empire austro-hongrois elle est tombée dans l’isolement total. Les acteurs du tourisme dans cette région tentent de se poser aujourd’hui les bonnes questions pour un avenir pérenne : le tourisme, oui, mais pas au détriment de la protection de la nature et sans la défigurati­on des paysages. « On aimerait être dans la lumière, attirer des touristes pour que les jeunes puissent vivre ici sans devenir pour autant un Disneyland pour vacanciers » me dit Andreas un célèbre grimpeur de la région. Un fragile et intelligen­t équilibre à trouver, à la mesure de la protection du lynx. En rentrant à Innsbruck via la très huppée station de ski de Kitzbühel, j’ai le coeur gros de quitter ce coin de nature préservée, ces paysages superbes, ces animaux emblématiq­ues, ces gens passionnés. Ne serait-il pas temps pour les humains de réaliser que la nature n’a pas besoin d’eux mais qu’ils ont besoin d’elle ? Le paradis du lynx sera alors aussi celui des hommes.

Une nature originelle, intacte, sauvage, comme on aimerait qu’elle soit partout sur Terre

Newspapers in French

Newspapers from France