Au pays du matin calme
La Corée du Sud est un petit territoire où s’entremêlent les influences de ses grands voisins russes, chinois et japonais. Ce brassage culturel ravit le voyageur en quête de flâneries singulières. Ici, les sources d’exaltation sont nombreuses, entre temples et royaumes, champs de thé et cerisiers en fleurs ou encore plages et zone démilitarisée, la Corée du Sud offre volontiers l’hospitalité aux vans vadrouilleurs.
La Corée du Sud a ce je-ne-sais-quoi indéfinissable pour nous, Occidentaux. Tout est différent, vif et en même temps calme, très authentique et très connecté... Les visages sont difficiles à lire, et ne parlons pas de l’alphabet, le hangeul, superbe mais peu accessible au néophyte. Même du coréen transcrit en alphabet latin, ce n’est pas facile.
Nous y sommes arrivés en van sans transition, après plusieurs mois passés au MoyenOrient... ce fut comme passer de l’été à l’hiver. Ces deux cultures sont si différentes ! Lors de notre première journée au port de Busan pour récupérer notre véhicule, nous avons été accueillis par les douanes à coup de courbettes respectueuses et de Annyeonghaseyo (« Bonjour » en Coréen), dans une succession de sourires pudiques et de marques de grand respect. C’en était presque gênant, difficile de rivaliser en termes de politesse. Exit le « à peu près » et bienvenue au pays de la rigueur : nous avons pu récupérer notre van en moins d’une journée malgré beaucoup de paperasse administrative et la barrière de la langue, le tout dans une ambiance à faire pâlir les Bisounours.
Cet Etat au sud de la péninsule coréenne est un petit pays, six fois plus petit que la France, il est relativement facile et rapide d’en faire le tour par la route. Le réseau routier est très bon et bien présent sur le territoire. Voyager en van en Corée du Sud, c’est dormir au pied de temples bouddhistes, visiter des cités historiques animées par des jeunes vêtus de tenues traditionnelles, tester la street food ultra présente et parfois surprenante, puis se laisser emporter par la frénésie des villes et l’entrain des Coréens.
La population locale s’est montrée extrêmement bienveillante envers nous. Une fois passée la surprise de voir des Occidentaux
avec un véhicule français chez eux, les Coréens rencontrés ont facilement engagé la discussion – heureusement que nous avions Google Traduction sur nos téléphones, car l’usage de l’anglais est relativement rare ! Ils étaient ravis de découvrir notre van. Nous avons maintes fois été invités à dîner. Ce fut des rencontres souriantes et enthousiastes. Nous avons découvert un peuple très fier de sa culture et de son indépendance face aux superpuissances voisines. Et il y a de quoi !
► Les beautés naturelles
Les Coréens aiment la nature, ils en prennent soin, elle rythme leur calendrier. Comme au Japon, le retour du printemps est célébré lors de la floraison des cerisiers. Le festival de Gunhangje est un événement à part entière en Corée, peu fréquenté par les touristes étrangers. Par chance, nous arrivons dans les temps à Jinhae, cette ville recense plus de 300 000 cerisiers, ce qui en fait le plus grand regroupement au monde. La promenade le long de la rivière Yeojwacheon est couverte par les cerisiers, les arbres illuminent le sol de leurs pétales. L’ambiance est très poétique. Des journées durant, les petites fleurs rosées colorent la toile de fond, en ville ou dans les collines, c’est magnifique. Les week-ends, une grande partie de la population s’adonne à la randonnée, la chaîne montagneuse traversant le pays du nord au sud offre un grand bol d’air. Le point culminant à 1950 m se situe dans le parc de Jirisan, le plus grand du pays.
La Corée recense 22 parcs nationaux, de différents types : maritimes, historiques ou de montagne. Les parcs de montagne proposent de nombreux sentiers très bien balisés. Certains enveloppent des temples anciens, tel le temple de Beopjusa dans le parc de Songnisan. Et en Corée, la mer n’est jamais loin. Le littoral escarpé du pays offre une multitude de criques à l’abri des regards et le pays compte plusieurs îles, dont l’île de Jeju qui est réputée pour être le « Hawaï coréen », selon les locaux. Sans bambou ni thé, la Corée ne serait pas ce qu’elle est, c’est ici que nous avons déambulé dans les plus belles bambouseraies, dont le parc de Maengjong Juk sur l’île de Geoje. La grande partie de la production du thé vert coréen se fait dans le district de Boseong. Par rapport à ses voisins chinois et japonais, la culture du thé reste modeste en Corée et son exportation est rare. Les plantations de thé dessinent le paysage en serpentant sur les flancs de colline.
► Une histoire riche et peu connue
Nous avons bien sûr découvert la culture coréenne lors de visites, notamment à Naganeupseong, un village traditionnel datant de la dynastie Joseon (XIVe au XXe siècle). Ce village comporte encore des maisons typiques en toit de chaume, il est délimité par une épaisse muraille érigée pour contrer les invasions japonaises. La localité est habitée depuis le XIVe siècle, une centaine d’habitations est toujours occupée, ce n’est pas un village-musée, c’est ce qui nous a motivés à venir visiter celui-ci précisément. Plus à l’est, la ville de Gyeongju-Si permet un grand saut dans le passé. Le site est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Gyeongju-Si possède 31 trésors nationaux, dont l’une des plus anciennes installations scientifiques au monde : le Cheomseongdae, « la tour d’où l’on observe les étoiles », qui est un observatoire astrologique. Il a été construit vers le VIIe siècle. La tour fait une dizaine de mètres de hauteur. Gyeongju-Si, surnommée la « ville dorée », était la capitale de l’ancien royaume de Silla (1er siècle avant J.-C. - Xe siècle après J.-C.). Nous avons été époustouflés par les parures retrouvées dans les tombes. Les couronnes en or, ornées de pierres précieuses, datant du Ve siècle après J.-C. sont à couper le souffle. C’est un pan de l’Histoire que nous ignorions complètement. À ne pas manquer, d’autant que la visite de ce beau musée est gratuite. Pour l’histoire plus contemporaine, nous nous sommes rendus au nord-est du pays, au bord de la DMZ, « Demilitarized Zone », zone démilitarisée. Un espace tampon large de 4 km,
Une culture riche, diversifiée et méconnue.
entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Étrange paradoxe, cette zone est l’endroit le plus militarisé au monde ! La surveillance est permanente, les nombreux postes militaires, les mines et les tunnels illustrent les tensions entre les deux gouvernements, chacun reste sur le qui-vive. À la lisière de la DMZ, côté sud, une immense statue du Bouddha de La Réconciliation regarde vers la Corée du Nord. Le symbole est fort. À ses pieds se trouve un observatoire, duquel les visiteurs scrutent le no man’s land. Une exposition nous informe sur cette division du pays. La séparation de la Corée fut décidée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. De 1950 à 1953, la guerre fait rage entre les deux nations soeurs. La blessure de 1945 infligée à la nation coréenne peine à cicatriser. À l’image du mur de Berlin ou du rideau de fer en Europe, les conséquences sont dramatiques sur le peuple coréen auparavant uni. Ce détour fut très instructif et nous a permis de saisir en partie la complexité des rapports nord/ sud en Corée. À savoir : pour s’approcher de la DMZ, chaque visiteur et chaque véhicule doivent s’enregistrer au poste de garde... ce n’est pas anodin.
On ne s’y attendait pas, mais la Corée du Sud est un pays bouddhiste, le festival des lanternes de Daegu est un événement très populaire pour célébrer l’anniversaire de Bouddha. Cette fête a lieu au stade, complet pour l’occasion, des chants, prières, danses, concerts et discours animent la soirée, puis vient l’heure du lâcher de lanternes. Les briquets s’allument, les bougies s’enflamment, les lanternes s’envolent, des clameurs naissent, l’assemblée est émerveillée. C’est un beau spectacle que d’admirer des milliers de lanternes s’élever et voltiger dans la nuit, tel un essaim poussé par la brise. Ce fut une soirée magique et forte en émotions, on s’est rendu compte de la ferveur qui entoure cette journée spéciale, ici la religion est présente de façon naturelle, elle est assimilée au sein de la société. Par hasard, en cherchant un endroit tranquille pour dormir, nous avons découvert le temple de Uirimsa, il est à nos yeux le plus beau temple que nous ayons vu, peutêtre parce que ce fut le premier d’une longue
série et que la gentillesse de Ye Heei rencontrée sur place nous a beaucoup touchés. Ce temple discret est entouré par les collines et la végétation, le bâtiment principal et les plus petits autour sont tous peints de motifs colorés représentant fleurs de lotus, dragons, entrelacs et scènes de la vie de Bouddha. Ce lieu et son aura sont magnifiques.
À l’inverse de la quiétude bouddhiste, les villes coréennes sont animées et denses, la circulation n’y est pas toujours évidente, surtout dans la capitale. Séoul est une métropole exaltée avec des avenues embouteillées où les temples et palais royaux siègent au pied des gratte-ciel. Lors de notre passage dans cette foule, nous avons visité le palais royal de Gyeongbokgung, « palais du bonheur resplendissant ». L’histoire de ce palais est révélatrice de la résilience de la Corée. Les conflits avec le Japon se sont perpétrés sur plusieurs siècles, les Nippons détruisant tous les monuments illustrant la culture coréenne, depuis son indépendance, le gouvernement coréen relance la construction des édifices historiques. Au palais, la relève des gardes est toujours assurée, c’est l’occasion d’admirer des habits militaires traditionnels. Le complexe royal est lui assez austère, mais les Coréens – surtout les femmes – aiment louer des hanboks, habits traditionnels colorés, pour les porter dans les lieux historiques, et partager leurs clichés sur les réseaux sociaux.
► Découvertes gastronomiques
Après quelques passages sur les marchés, on peut dire que les Coréens mangent tout ce que la mer peut offrir, et c’est parfois déroutant ! Les étals regorgent de poissons, raies et seiches, éventrés, vidés et séchant au soleil. Le poulpe et les oursins sont un classique de la gastronomie coréenne, tout comme les concombres de mer consommés crus... Les algues, de toutes sortes, sont une composante très importante du régime local, sur les plages nous avons observé à plusieurs reprises des locaux étendant leur récolte sur les galets pour les faire sécher.
Aussi aucun repas coréen ne se fait sans kimchi, ce mets traditionnel et grande fierté nationale est fait de piment et de légumes lacto-fermentés. C’est bon pour celui qui aime le piquant, et très sain. En revanche, au petit-déjeuner, pour nos palais, c’est un peu musclé. En Corée, les repas sont servis dans une kyrielle de petits bols contenant diverses préparations, chaque convive pioche sa portion, au moyen de baguettes bien sûr, la dépose dans sa petite assiette ou dans son bol de riz. On est loin du plat familial servi dans une assiette, ici chacun est libre de confectionner son repas avec tout ce qu’il y a sur la table. En Corée, on peut aussi déguster du vrai tofu frais et local, rien à voir avec celui trouvé en France. Et comme souvent en Asie, des nouilles et du riz, assaisonnés de sésame, ail et gingembre sous toutes leurs formes, viennent en accompagnement.
Côté dessert, c’est plutôt limité. Le pays produit des fruits avec des variétés locales de melons et de poires, mais celui qui règne en maître sur les sucreries, c’est le haricot rouge. Plus d’une fois, on s’est fait avoir, en pensant acheter des douceurs aux pépites de chocolat, lesquelles se sont avérées être du haricot rouge… déception totale ! Au fur et à mesure, on a fini par apprécier ce dessert, plus particulièrement le haricot rouge sous forme de pâte, on lui trouve un goût de châtaigne.
► Vanlife en Corée du sud
Les Coréens que nous avons rencontrés ont toujours été curieux et exaltés par notre mode de vie en van. On leur a fait visiter notre maison sur roues, tous ont été surpris du confort qu’il offre et du trajet parcouru pour arriver jusque chez eux. La société coréenne est très codifiée, nous avions le sentiment d’être de vrais marginaux, une sorte de Français romantiques et bohèmes (cliché du Français en Asie) faisant rêver au voyage.
Du fait de sa géographie escarpée, la population coréenne réside principalement sur les littoraux, ce qui donne une urbanisation en continu le long des axes. Par conséquent, pour bivouaquer en Corée avec son van, ce n’est pas toujours simple. En zone rurale, il y a peu de spots recensés sur les applications telles que iOverlander ou Park4night. En s’éloignant des principaux axes, en montant en altitude ou en bordure de criques, il est possible de trouver des bivouacs sauvages. Par sauvage, on entend en pleine nature, loin de toute civilisation. On n’a jamais autant dormi sur de l’asphalte qu’ici, il est très difficile de trouver un chemin public carrossable partant dans la forêt pour une halte discrète. Malgré tout, nous avons tout de même pu trouver de beaux endroits où s’arrêter, civilisés mais néanmoins calmes. Il faut chercher du côté des plages, le long des berges de rivières, à proximité des parcs, des chemins de randonnée et des temples. Google Maps ne fonctionne pas en Corée du Sud, il faut utiliser un GPS local – et très performant –, Kakao Map. ◆