L’autre DÉBARQUEMENT
Au siècle dernier, je fumais un Cohiba et buvais un calvados avec JAMES COBURN au Festival de Deauville...
La sensationnelle Kristen Stewart a beau être à l’affiche d’un film français, elle est beaucoup trop jeune pour avoir vu naître le Festival du cinéma américain de Deauville. C’était il y a quarante ans, et les « planches » sont jalonnées des plus grands noms de Hollywood, toutes époques confondues. « Si tu n’y figures pas, tu as raté ta carrière », m’a affirmé notre chroniqueuse Dorothée Parterre, qui en connaît un rayon. La plupart des grands cinéastes américains en pincent pour la France, pas seulement pour la gastronomie et les paysages. Mais aussi pour son cinéma et son public. Ils connaissent souvent la Nouvelle Vague (que la France redécouvre aujourd’hui, comme en témoignent les différents hommages à François Truffaut prévus pour cet automne) et la récente vague aussi. Rappelons qu’en 2012, Hollywood a sacré Jean Dujardin et The Artist de Michel Hazanavicius. Et nous, nous aimons le cinéma américain comme si c’était eux qui l’avaient inventé ! L’an passé à Deauville, le président du jury Vincent Lindon – l’un de mes acteurs préférés – avait magnifiquement dit ceci, s’adressant notamment à Michael Douglas : « Je vois à peu près cinq films américains par semaine... Et à chaque fois, en plus de m’avoir obligé à jouer du piano ou de la guitare quand j’étais petit, j’en veux à mes parents de ne pas m’avoir foutu à l’école à Brooklyn ou dans le New Jersey, ou dans le fin fond de l’Arizona ou surtout à Los Angeles. Aujourd’hui, je pourrais être votre acolyte, ou le héros même, rouler dans une Chevrolet sur Hollywood Boulevard avec Winona Ryder et une copine à elle sur la banquette arrière, par exemple Julia ou Robin... »
À Vanity Fair, on est aussi « on the bridge » entre Hollywood et Deauville. Les photos mythiques claquent comme la bannière étoilée sur le toit de l’hôtel Normandy, au moment où James Cameron va succéder à Vincent Lindon à la présidence. En tournant les pages de ces quarante années, j’ai le souvenir de films et d’hommages toujours ponctués de bons mots – la palme allant à Woody Allen : « Pour je ne sais quelle raison, les gens de France m’aiment plus qu’en Amérique. Les soustitres doivent y être excellents » – et de bons moments, comme fumer un Cohiba et boire un vieux calvados avec James Coburn à la tombée de la nuit, à l’écart, au siècle dernier.
Dans ce numéro très éclectique, vous saurez comment la Chine vole nos meilleures idées ; comment Beyoncé, qui va enflammer le Stade de France avec Jay Z pendant deux soirs, a réinventé la pop ; et pourquoi le 10, rue du Dragon fut une des adresses les plus courues à Paris. Rien à voir avec la « Génération Chochotte » attaquée par Bret Easton Ellis. Vous en êtes si vous aviez 20 ans en l’an 2000. Avant de lire ce texte écrit en exclusivité pour Vanity Fair France, je n’avais pas remarqué que ces jeunes sombraient dans le sentimentalisme plutôt que de reconnaître les réalités du monde. Oser critiquer cette génération, c’est s’exposer à la vindicte. Mais le point de vue d’Ellis n’est pas aussi sévère que ça : il vit lui-même avec un « Millennial ». Donc il connaît mieux que moi cette « Génération Chochotte ». Si vous vous reconnaissez, ça restera entre nous. Enjoy, comme on dit en Amérique. &