Vanity Fair (France)

Parfums d’automne

La Provence, la pluie, l’enfance, les paradis artificiel­s, la Parisienne… Autant de réminiscen­ces qui irriguent les dernières créations des parfumeurs.

- LIONEL PAILLÈS

«

J’écris toujours la même histoire ; seuls les mots changent », avoue l’écrivain Éric Chevillard. C’est vrai aussi pour les parfumeurs. La part la plus intime de l’imaginaire de Jean-Claude Ellena, le nez d’Hermès, tient entre les pages de Jean le Bleu, un roman de Jean Giono. Pour traduire l’essence de sa Provence natale, il puise dans les mots de « son auteur refuge » l’inspiratio­n de ce cuir floral (aubépine, héliotrope) à fleur de peau :

Cuir d’ange ( ) dessine Hermès un paysage de collines couvertes d’oliviers et inondées de lumière. Si la nature habite également l’univers de Giorgio Armani, elle est imprégnée d’iode et d’accords aquatiques. À travers Acqua di Giò, le couturier racontait Pantelleri­a, son île fétiche, par le truchement de la calone, une molécule über- marine. Son nouvel

Encens ( ) capture désormais

satin Armani privé l’odeur des messes dans l’église Santa Maria di Campagna à Piacenza, sa ville natale. Parce qu’il est doux, vibrant et pas trop solennel, cet encens regarde vers l’enfance. Un thème cher à ,

Serge Lutens qui ne cesse d’explorer la veine régressive dans son oeuvre, fouillant la boîte (noire) à souvenirs de laquelle surgit presque toujours l’image de sa mère. Avec

, l’ascète de Marrakech contiL’Orpheline nue à raconter la douleur de l’abandon, à travers un musc rassurant comme un bol de lait chaud mêlé aux fragrances de cendres. Jamais Lutens n’a été si loin dans le récit de sa vie intime, commencé avec Féminité du bois. Les paradis artificiel­s et les fruits défendus envoûtent la création de

depuis L’OEuvre noire, Kilian Hennessy son vestiaire olfactif initial.

Light My Fire (collection Addictive State of Mind, tout est dit !) exhale des feuilles de tabac aux notes épicées (cumin sec, foin, patchouli et vétiver), comme un Montecrist­o qui se consumerai­t lentement, tandis qu’ dé

Intoxicate­d gage des effluves de cannabis. S’il y a bien un fil obsessionn­el chez

, c’est l’AnBurberry gleterre éternelle, symbolisée par le trench. ,

My Burberry troisième jus de la griffe, mime merveilleu­sement l’odeur de la pluie dans un jardin anglais ( pois de senteur, bergamote, coing et freesia), grâce à une interpréta­tion contempora­ine de la parfumerie british. Le duo Christophe­r Bailey- Francis Kurkdjian retrouve enfin le sillage d’une parfumerie d’Albion qui s’était un peu perdue dans la mondialisa­tion. Quant à l’Anglaise Clare Waight Keller, directrice artistique de la maison Chloé, elle a parfaiteme­nt capturé la substantif­ique aura de « la vraie Parisienne ». La marque continue d’explorer cette veine frenchy en suivant la trace d’une jeune femme sensuelle qui vient sceller son amour en accrochant un cadenas sur le pont des Arts : est un parfum sexy,

Love Story clean et floral. Plutôt que la rose, qui était devenue son emblème, opte cette

Chloé fois pour l’accord lumineux fleur d’oranger-jasmin.

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