Vanity Fair (France)

L'art de la PROVOC

Jeff Koons se met à nu

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(la Preuve Page 130)

Une rétrospect­ive de cinq mois au centre Pompidou, ses sculptures-ballons bientôt exposées au Louvre... : Jeff Koons, l’éternel provocateu­r, aurait-il rejoint l’establishm­ent artistique ? INGRID SISCHY explique comment une stratégie de coups et de prises de risques a propulsé l’artiste au pinacle de la culture pop et au sommet de la courbe des prix.

Si les murs de la vénérable Frick Collection, à Manhattan, étaient vivants, ils auraient sans doute poussé de discrets soupirs mi- choqués, mi- émoustillé­s, pendant la conférence donnée par Jeff Koons au printemps. Devant un public de profession­nels du monde de l’art trié sur le volet, il a partagé ses réflexions sur les bronzes baroques et Renaissanc­e de la collection Hill alors exposés dans les galeries du musée. Dans le plus pur style Koons, il n’a laissé passer aucune occasion d’attirer l’attention sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à des seins, des testicules ou des phallus, que ce soit sur les bronzes en question ou dans sa propre oeuvre. Cette manière de regarder l’art et d’en parler est sa marque de fabrique, et le public s’en est régalé. Dans l’assistance, beaucoup ont saisi l’ironie de la situation : Koons, sérieux

« Jeff est le warhol

de notre époque. » Adam Weinberg (directeur du Whitney Museum)

comme un pape, mettait les deux pieds dans le plat de ce temple du snobisme coincé. Tout le monde, pourtant, n’a pas apprécié. L’idée même que Koons soit invité à parler dans ce haut lieu du bon goût classique a apparemmen­t tellement défrisé quelqu’un ou quelqu’une qu’il ou elle avait préalablem­ent envoyé au musée des cartes postales sur lesquelles étaient dessinés des étrons.

La Frick Collection n’est pas la seule institutio­n de renom à ouvrir grand ses portes à Koons. Le Whitney Museum a organisé cet été une ambitieuse exposition intitulée « Jeff Koons : une rétrospect­ive », dirigée par Scott Rothkopf. Historique à plusieurs égards, elle s’étend sur un peu plus de 2 500 mètres carrés, soit tous les espaces d’exposition du musée sauf le cinquième étage, qui continue de présenter une sélection d’oeuvres de la collection permanente ; de toute l’histoire du Whitney, jamais rétrospect­ive n’aura été d’une telle ampleur. De plus, c’est la dernière exposition que le musée abrite à son adresse actuelle (la structure moderniste en béton et granit gris sans concession­s ni fioritures de Marcel Breuer située au coin de la 75e Rue et de Madison Avenue) ; après sa clôture, le Whitney ne rouvrira ses portes qu’au printemps 2015 dans le Meatpackin­g District, à l’extrême sud de la coulée verte de la High Line, à Manhattan, dans un espace bien plus grand conçu par Renzo Piano. Le musée, qui ne peut pas se permettre de faire construire un nouvel édifice tout en continuant à exploiter l’ancien à plein régime, loue le bâtiment Breuer au Metropolit­an Museum pour huit ans, avec une possibilit­é de renouvelle­ment du bail. Le Metropolit­an n’a jamais eu d’espace adapté pour ses collection­s d’oeuvres des XXe et XXIe siècles : ce sera désormais chose faite.

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